Édition Pavillon Poche Robert Lafont

Traduit du polonais par Christophe Glogowski

Il m’a fallu cette période de confinement pour venir à bout de ce livre. Autant j’ai été conquise tout de suite et totalement emportée par la lecture « Sur les Ossements des morts« , autant je me suis contrainte pour lire ce roman au moins pour le premier tiers.( Pourtant je savais qu’Athalie avait beaucoup aimé, ce qui est pour moi une bonne référence.) Il faut dire que ce roman est étrange, constitué de courts chapitres qui sont consacrés à un seul personnage intitulés « au temps de … ». Ces chapitres finissent tel un puzzle à raconter l’histoire d’un village et au delà l’histoire de la Pologne. Dieu et les Anges sont aussi de la partie et ce mélange de métaphysique de nature et d’humain n’est pas si facile à accepter pour une rationaliste comme moi. Seulement voilà, cette écrivaine a un talent incroyable et quand peu à peu j’ai lâché mes réflexes habituels de cartésienne, j’ai aimé cette lecture. En touches successives, c’est bien l’histoire d’une famille polonaise jusqu’à aujourd’hui dont il s’agit et à travers leurs relations individuelles on comprend mieux que jamais l’histoire et les malheurs de la Pologne marquée à tout jamais par l’extermination des juifs. Cette nation a perdu à ce moment là une partie importante de son fondement culturel, une telle barbarie sur son propre sol devant les yeux de ses habitants ne pouvaient que laisser des traces. Ce livre est aussi un hymne à la nature qui est, et sera toujours, la grande gagnante surtout si les hommes ne veulent pas l’écouter. L’histoire actuelle d’un petit Virus si petit mais si malin que personne ne peut l’empêcher d’infecter l’humanité entière, n’est-il pas une preuve que la nature est plus forte que toutes les constructions humaine et que certains progrès même extraordinaires fragilisent l’humanité. Je pense donc que ce livre s’inscrit dans la réflexion que nous pouvons avoir à propos de la pandémie actuelle et en plus permet de passer un long moment avec une écrivaine remarquable qui a un sens de l’humour qui rend ses récits très attachants.

On en parle chez Kathel

 

Citations

Genre de remarques auxquelles il faut s’habituer

Au centre d’antan, Dieu à dressé une colline qu’envahissent chaque été des nuées d’hannetons. C’est pourquoi les gens l’ont appelée la montagne aux Hannetons. Car Dieu s’occupe de créer, et l’homme d’inventer des noms.

C’est bien dit et vrai

Elle se mettait au lit, où, malgré les coussins et les chaussettes de laine, elle ne parvenait pas à se réchauffer les pieds. Et puisque, de même que dans l’eau c’est par les pieds qu’on pénètre dans le sommeil, Geneviève demeurait longtemps sans pouvoir s’endormir.

Le genre d’affirmations qui sont belles sans être convaincantes.

À certains humains un ange pourrait paraître stupide. Mais l’ange, depuis l’origine des temps, porte en lui le fruit de l’arbre de la connaissance, le savoir pur : une raison affranchie de la pensée, et, du même coup, des erreurs – ainsi que de la peur qui les accompagne. Une raison libre des préjugés engendrés par la perception lacuneuse des humains.

Le soldat de retour chez lui au moulin

Il fit le tour du moulin, caressa la meule, ramassa de la farine au creux de sa paume et la goûta du bout de la langue. Il plongea ses mains dans l’eau, passa le doigt sur les planches de la clôture, huma les fleurs, actionna le tranchant du hache-paille. Celui-ci grinça, coupa une botte d’ortie.
Derrière le moulin, Michel pénétra au milieu de hautes herbes et il fit pipi.

l’alcool

Le noyeur était l’âme d’un paysan nommé Pluszk. Celui-ci avait péri dans un étang forestier par une nuit d’août, la vodka précédemment absorbée lui ayant excessivement dilué le sang.

Le genre de propos qui courent dans ce livre

 Imaginer, c’est en somme créer, jeter un pont entre la matière et l’esprit. Surtout quand on pratique cet exercice aussi souvent qu’intensivement. L’image se transforme alors en gouttelettes de matière et s’intègre au courant de la vie. Parfois, en cours de route, elle se déforme quelque peu. En somme, tous les désirs humains se réalisent, s’ils sont suffisamment intenses, et pas toujours de la manière qu’on s’était imaginée.

Arrivée des antibiotiques

Un instant plus tard, il tenait au creux de sa main une petite boîte de carton. De ce qui était écrit dessus il ne comprit que les mots « made in the United States »….
 Au soir, la fièvre des fillettes avait diminué. Le lendemain elle se guérit. À force de prière, Misia avait obtenu de la Sainte Vierge de Jeskotle -reine des antibiotiques- cette guérison miraculeuse.

Réflexion sur le temps

 l’homme attelle le temps au char de sa souffrance. Il souffre à cause du passé et il projette sa souffrance dans l’avenir. De cette manière, il créé le désespoir. La chienne Lalja, elle, ne souffre qu’ici et maintenant.

 

24 Thoughts on “Dieu, le temps, les hommes et les anges – Olga TOKARCZUCK

  1. Merci pour ce billet qui confirme mon envie de poursuivre avec l’auteur. J’ai inscrit son dernier traduit, « Le Livre de Jacob » sur ma liste, mais j’y mets aussi celui-là, sans doute plus abordable.

    • Ce n’est donc pas chez toi que j’ai lu un billet sur « les livres de Jakob . J’hésite un peu avant de me lancer dans cette lecture.Quelle auteure!

  2. C’est très juste ce que tu écris, sur le fait qu’il faille accepter de « lâcher prise » vis-à-vis d’une certaine crédibilité pour entrer dans ce titre, et pouvoir l’apprécier. Je l’ai aimé d’emblée, peut-être parce que je l’ai lu au bon moment, ou parce qu’ayant lu auparavant « Les livres de Jakob », je n’ai pas été vraiment surprise par le ton.
    Une belle proposition de lecture, en tous cas, en ces temps de confinement !

    • Est-ce qu etu conseilles « les livres de Jakob » j’ai lu que ce livre était très long et pas très facile d’accès.

      • Oui, je le conseille, mais en prévenant en effet qu’il demande une certaine disponibilité, de temps et d’esprit. C’est un récit long, très foisonnant, avec une multitude de personnages (j’ai pris des notes pendant ma lecture pour m’y retrouver un minimum), mais en en même temps une épopée fascinante, à la fois érudite et populaire, grivoise et philosophique ! En fait, il faut le lire en acceptant de ne pas tout comprendre, et de perdre parfois un peu le fil.. J’en garde le souvenir d’une lecture hors du commun, que je ne regrette pour rien au monde !
        J’espère t’avoir donné envie…

  3. Il est original, ce livre, n’est-ce pas ? (je ne l’appelle pas roman, parce que son genre est assez indéterminé). Il y a des passages fulgurants, et d’autres où on s’ennuie un peu, pas très longtemps… ;-)

    • Je crois qu’il faut le lire plusieurs fois pour bien le savourer . En tout cas il est vraiment original, je vais chercher ton billet pour mettre un lien.

  4. Je compte bien lire ce livre parce que je veux découvrir d’autres titres de cette auteurs. Je possède Les livres de Jakob dans ma liseuse mais je ne vais pas lire lire tout de suite…

    • Je crois que rarement un prix Nobel de littérature ne m’a autant plu car tout en étant très « polonaise » elle dépasse les frontières de son pays et son écriture est si originale!

  5. keisha on 20 avril 2020 at 13:49 said:

    J’en ai lu trois de l’auteur, mais pas celui ci, j’hésitais…

  6. Une auteure qui m’attire de plus en plus, mais je commencerai par « les ossements des morts » qui semble faire l’unanimité. L’univers de la dame a l’air plutôt complexe (ce qui est un compliment chez moi).

  7. C’est un roman qui obéit à sa propre logique, c’est vrai que l’on est obligé de « lâcher prise », de le laisser nous mener entre réalisme et imaginaire … N’étant pas très cartésienne, par ma part, je n’ai pas eu trop de mal, mais je te comprends.
    Et je rejoins parfaitement ce que tu dis sur la puissance de la nature qui est à l’oeuvre dans ce texte, comme dans Les ossements des morts, d’ailleurs.
    Les livres de Jacob me tente beaucoup !

    • C’est grâce à ton texte que je n’ai pas abandonné ce roman. Et depuis, je me demande pourquoi j’ai failli ne pas le finir, il résonne très fort dans ma mémoire.

  8. Alors je commencerai par « sur les ossements des morts »

  9. Je crois que je commencerai aussi pas « Sur les ossements des morts » comme Gambadou :-)

  10. Le confinement rapproche de certains titres qui demandent qu’on soit pleinement disponibles pour eux.
    (Et j’aime beaucoup les titres que propose cette maison d’édition.)

  11. Je pense que j’ai besoin d’un temps de repos entre les romans de cette autrice. Après les livres de Jakob, j’ai besoin d’un loooong break! Pourtant, j’ai aimé.

    • Les romans de cette écrivaine ne sont pas de tout repos. Mais ce sont de grands romans. Et je lirai certainement un jour « Le livre de Jacob ».

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