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cocardes
Une rumeur s’est emparée du monde des blogs : il faut lire « 14 juillet » d’Éric Vuillard. Emportée par l’enthousiasme de Keisha, de Dasola de Sandrine et bien d’autres, (excusez-moi je n’ai pas le talent d’Éric Vuillard pour rappeler tous les noms qui permettent de créer un événement) je n’ai pas résisté à cet élan républicain. Les quatre cocardes tricolores en disent long sur mon plaisir de lecture et saluent un livre dont le projet est très original malgré mes réserves sur le message final. L’auteur n’a pas fait qu’une oeuvre d’historien, il a voulu mettre tous les procédés de langue dont il disposait pour rendre compte d’une émotion qui a soulevé tout le peuple de Paris ces quelques jours de juillet 1789. Son texte nous permet de ressentir la peur, l’exaltation, le désespoir, la joie de la victoire, tout cela dans des odeurs de sueur, de larmes, de poudre, de sang et de cadavres en décomposition. On passe deux jours, heure après heure avec le petit peuple de Paris, réduit à un misère noire par des gens inconscients que leur mode de vie pouvait être menacé par un trop plein d’injustices. On espère avec eux, on tremble pour eux, et on se réjouit quand enfin, le symbole de la royauté est envahi. La Bastille est prise par un peuple affamé que rien ne pouvait plus arrêter.

Éric Vuillard souligne avec insistance combien les participants à cette insurrection ne possédaient rien, et comment leurs noms sont immédiatement tombés dans l’oubli. Alors que les nantis nobles ou pas sont restés dans les mémoires et sont le sujet de nombreux chapitres des historiens comme Michelet par exemple. S’il est vrai que le gouverneur de Launay fut tué ce jour là et sa tête mise au bout d’une pique, Vuillard rappelle que sa veuve reçut une pension de trois mille livres, alors que Marie Bliard veuve de l’allumeur de réverbère ne reçoit qu’un pauvre papier lui signifiant la mort de son compagnon. Ces deux poids deux mesures choquent tant l’auteur qu’il fait tout pour retrouver le nom et la vie des obscurs participants à cet acte fondateur de notre République. Le livre se termine par un vibrant appel à mettre le feu aujourd’hui à toute la bureaucratie qui étouffe selon lui la société française. Hélas, je ne suis absolument pas sûre que ces solutions violentes puissent servir au mieux vivre de notre société certes sclérosée. Si certains aimeront ce livre pour son message, je l’apprécie, quant à moi, pour son style.

Citations

Mélange de style et d’époque

Et ce jour là, Necker fut exactement ce qu’il était, froid, démonstratif, il ne parla que de finances et d’économie politique ; il fut abstrait, hautain, et il assomma tout le monde pendant trois plombes par un discours techniques.

Pour se défendre, les gens improvisent des barricades de chaises puis ils se saisissent de bâtons, de caillasses, et c’est l’intifada des petits commerçants, des artisans de Paris, des enfants pauvres.

Le style

Et dans la nuit du 13 juillet tout cela résonne, ça gratte entre les pattes du petit chien qui traîne, ça urge entre les jambes du vieil ivrogne qui pisse qui poisse sous les aisselles du chiffonnier, ça démange tout le monde.

Un trait de caractère souvent vérifié

Enfin, Louis XVI, le débonnaire, monte sur le trône ; mais comme tous les tyrans indulgents et magnanimes, il sera plus féroce que ses prédécesseurs.

20160813_105713Traduit du danois par Raymond ALBECK

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Quel livre ! Je le dois encore une fois à Dominique. Que sa curiosité insatiable soit mille fois remerciée ! Sans son blog ce livre ne serait pas parvenu jusqu’à moi puisque ma médiathèque ne possède pas encore (depuis j’ai convaincu les bibliothécaires de l’acheter) ce « chef d’oeuvre », comme le dit la quatrième de couverture. Et je suis entièrement d’accord, c’est un petit chef d’oeuvre. Thorkild Hansen, décrit avec une précision extraordinaire, tant sur le plan technique qu’humain, une expédition qui part du Danemark en 1761, pour faire connaître au monde un pays alors inviolé : « L’Arabie Heureuse ». Un roi danois Frédéric V, soutenu par un ministre, Bernstorff, particulièrement gagné à l’esprit des lumières, mobilise des sommes importantes pour financer une expédition audacieuse. Il s’agit de rassembler des savants les plus pointus de l’époque pour découvrir une partie de la planète où aucun occidental n’était encore allé.

D’abord, il s’agit de comprendre ce nom : pourquoi s’appelle-t-elle « Heureuse » cette Arabie ? Qui sont les peuples qui la composent ? Pour cela, il faut un savant linguiste , ce sera un Danois von Haven. Pour comprendre la géologie et les plantes, on fera appel un savant suédois Peter Forsskal, un médecin physicien danois le docteur Kramer pour soigner les membres de l’équipe , un peintre graveur Baurenfeind pour ramener les illustrations de tout ce qui sera découvert et un arpenteur d’origine allemande, Carsten Niebuhr, le moins titré des cinq hommes. Tous ces gens ont beaucoup écrit, envoyé de longs rapports sur leur voyage (sauf le docteur Kramer). Torkild Hansen, les a tous lus et pour certains de ces écrits, il en était le premier lecteur.

Son récit nous faire revivre de l’intérieur cette incroyable épopée qui a failli être un des plus grands fiascos de tous les temps. Pour une raison que l’on sait dès le début du livre van Haven et Forsskal se haïssaient, et malheureusement Bernstorff n’a pas su anticiper les conséquences de cette haine implacable. Il aurait au moins fallu désigner un chef, mais non, on leur demande à tous de s’entendre ce qu’ils sont totalement incapables de faire. La raison en est sans doute que l’éminent professeur danois von Haven, décevait beaucoup son employeur qui n’osait pas l’avouer. Sur le terrain la mollesse d’esprit et de corps de von Haven le discréditera totalement, au profit du courageux, énergique mais coléreux Forsskal.

La malaria emportera dans la mort ces deux hommes, le premier n’aura rien découvert d’important, se plaignant à longueur de rapports de l’inconfort et de l’insécurité. Le second au contraire a réussi à envoyer de multiples rapports, de nombreuses caisses de plantes, d’animaux empaillés, ou conservés dans l’alcool , de semences, de plantes séchées. Tout cela parfaitement décrit dans de mult ouvrages. Malheureusement, rien ou presque de son fabuleux travail n’a été exploité. Pourquoi ? Il était suédois et le roi du Danemark n’avait guère envie que la Suède s’attribue le succès d’une expédition qu’elle avait financée. Forsskal est un élève de Linné qui est déjà un savant reconnu mais suédois, les conséquences de ce nationalisme absurde c’est que von Haven n’a rien découvert par paresse et que les extraordinaires découvertes de Forsskal ont été complètement négligées ou presque.

Il ne reste donc rien de cette expédition qui dura 7 ans ? et bien si ! Le seul personnage peu titré était cet arpenteur d’origine allemande : Carsten Niebhur qui a toujours refusé le moindre titre honorifique, il est le seul à revenir vivant de cette extraordinaire épopée et il a fourni au monde, pour plusieurs siècles, des cartes exactes de cette région du monde. Même s’il a donné le nom correct à l’Arabie « Heureuse » : le Yemen , il n’a pas trouvé pourquoi on l’avait si longtemps appelé Heureuse. La réponse est dans le livre, à vous de l’y trouver…

C’est peu de dire que j’ai lu avec passion ce voyage absolument extraordinaire, ne m’agaçant même plus d’un procédé qui d’habitude me gêne beaucoup : l’auteur nous annonce souvent les événements importants à venir. Je préfère toujours découvrir les différentes péripéties au cours de ma lecture sans effet d’annonce. Quand j’ai réalisé que l’énorme travail de Forsskal, d’une qualité remarquable allait être réduit à néant par la stupidité et la mesquinerie humaine, j’ai alors lu ce livre comme un thriller, je n’arrivais pas à le croire ! Si je dois encore vous donner une raison supplémentaire pour vous plonger dans ce voyage, lisez-le simplement pour découvrir une des plus belles personnalité que les livres m’ont permis de connaître : celle d’un arpenteur qui avec ténacité et intelligence a permis de faire de cette expédition une superbe réussite. Une personnalité de cet acabit : modeste, honnête, humaine, altruiste, courageuse, sans préjugé … bref, à lui seul, il mérite un collier entier de coquillages !

Citations

Les temps anciens

Ce ministre nourrissait pour l’art et la science un intérêt qu’il nous est difficile d’imaginer, alors que nous avons améliorer la constitution de l’État et que le despotisme éclairé a fait place à la démocratie non éclairée.

Trait de personnalité toujours sujette à la critique

Il avait de la valeur, on le lui eût pardonné, mais il le savait lui-même, montrait avec ostentation qu’il en était convaincu, et cela était inexcusable.

La science et les mythes : l’explication de la fluorescence de la mer.

Des expériences plus récentes ont prouvé que la phosphorescence de la mer est due à des organismes vivants. Les filles de Nérée sont tout simplement des protozoaires unicellulaires, flagelles et rhizopodes.

Des questions hautement scientifiques

Presque toutes les universités européennes demandent aux voyageurs d’étudier tous les problèmes imaginables : entre autres, un circoncis éprouve-t-il plus de plaisir au cours d’un coït qu’un incirconcis.

Le langage diplomatique dans toute sa splendeur

Il ne va pas jusqu’à dire que von Haven, à bout d’arguments, avait demandé à Forsskal de lui « baiser le cul », mais que « von Haven avait eu recours à une insulte si grossière que le respect que m’inspire Votre Excellence m’interdit de la lui répéter, et toutefois comme les circonstances me font un devoir de préciser, j’indiquerai que la populace s’en sert pour accuser un homme de la lâcheté la plus abominable, en lui attribuant certaines habitudes canines » ….

La fin terrible de cette aventure pour les deux savants de l’expédition

Les deux professeurs ambitieux et querelleurs ont partagé en fin de compte le même destin. L’un fut tout au long du voyage sans énergie, dépourvu d’esprit d’initiative, manquant d’idées, intéressé seulement par des questions de confort. L’autre a travaillé du matin au soir, s’est passionné pour tout ce qui l’entourait, a découvert des problèmes captivant là où les autres ne voyaient que des vérité de la Palisse, et a su les résoudre. Il a collectionné, catalogué, décrit. Il n’a pas laissé derrière lui un simple journal : ses manuscrits remplissaient sept lourds colis et ses collections au moins vingt grandes caisses. Mais il n’en a pas plus tiré profit que le premier. On a connu la plus grande partie de ses découvertes seulement après que d’autres les eurent refaites et publiées. La mise de chacun est différente mais le résultat est le même : il ne reste rien.

Peter Forsskal

Le seul souvenir vivant de Peter Forsskal qui mourut à Yerim, en Arabie Heureuse, la plante de Forsskal, est une ortie.

20160716_131754Traduit de l’anglais par Hélène Hinfray

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Je conseille la lecture de ce court témoignage à tous les fans de « Downton Abbey ». La quatrième de couverture dit que ce récit inspira plusieurs scénaristes dont Julian Fellowes (créateur de Downton Abbey). Mais ne vous attendez pas à retrouver la série, contrairement au personnage de Daisy, Margaret Powel est une jeune fille qui a tout de suite eu une conscience aiguë des limites de sa condition. Elle ne fait pas partie de ceux ou celles qui, à l’image de Carson ou de Mme Hughes, s’identifient complètement à la famille qu’ils servent. Elle cherche par tous les moyens à sortir de sa condition d’aide cuisinière et pour cela change le plus souvent possible d’employés. Cela nous vaut une série de portraits des riches familles anglaises hautes en couleurs ! Entre celle où on l’oblige à repasser les lacets des chaussures, celles où on ne les nourrit pas assez, celles où on les fait trimer comme des bêtes de somme, tout cela donne une vision bien éloignée de notre chère famille Crawley. Une seule famille semble un peu corresponde à cet idéal, mais Margaret n’y reste pas longtemps car elle veut surtout se marier et ne plus être au service de.. Ce qui donne autant d’énergie à cette toute jeune fille c’est une éducation rude mais très joyeuse au bord de la mer à Hove près de Brighton. Elle y a acquis une vision très juste de la société. Bien sûr le style est très plat mais on ne s’attend pas à plus pour ce témoignage très vivant.
Pour le plaisir d’entendre sa voix voici un petit film où elle recommande de manger du poulet anglais :

Citations

L’importance du dimanche dans sa famille

Enfin, on ne peut pas dire non plus que l’église jouait un grand rôle dans la vie de mes parents. Je crois qu’ils n’avaient pas vraiment de temps à consacrer à ça ; ou plus exactement ils n’en avaient pas envie. D’ailleurs on était plusieurs dans la famille à ne pas être baptisés. N’empêche qu’on devait tous aller au catéchisme le dimanche. Pas parce que nos parents étaient croyants, mais parce que pendant ce temps-là on n’était pas dans leurs jambes. Le Dimanche après-midi, c’était le moment où il faisait l’amour.

L’école

Mais ce qui était formidable à l’école, c’est qu’on devait apprendre. À mon avis, il n’y a rien de plus important que de savoir lire et écrire et compter. C’est de ces trois choses-là qu’on a besoin si on veut travailler et gagner sa vie. Nous, on nous forçait à apprendre , et je pense que les enfants il faut les forcer. Je ne crois pas aux théories comme quoi « s’ils n’en ont pas envie ça ne leur apportera rien ». Bien sûr que ça leur apportera quelque chose . Nous, notre maîtresse venait nous donner une bonne gifle quand elle nous voyait bayer aux corneilles. Et croyez-moi, quand on sortait de l’école on sortait avec quelque chose.

L’intérêt des patrons pour leurs domestiques

En fait pendant toute ma vie en condition j’ai constaté que les patrons se souciaient toujours énormément de notre bien-être moral. Ils se fichaient pas mal de notre bien-être physique. Pourvu qu’on soit capable de bosser, ça leur était bien égal qu’on ait mal au dos, au ventre ou ailleurs ? Mais tout ce qui avait à voir avec notre moralité, ils trouvaient que ça les regardait. C’est ce qu’ils appelaient « prendre soin des domestiques » s’intéresser à ceux d’en bas. Ça ne les dérangeaient pas qu’on fasse de grosses journées, qu’on manque de liberté et qu’on soit mal payé ; du moment qu’on travaillait bien et qu’on savait que c’était le Bon Dieu qui avait tout organisé pour que nous on soit en bas à trimer et qu’eux ils vivent dans le confort et le luxe, ça leur convenait parfaitement.

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Je considère Dominique comme une bienfaitrice de l’humanité des lecteurs et lectrices. Je n’avais pas un moral extraordinaire et ce livre m’a fait beaucoup rire et m’a remis en forme. Pourquoi « une bienfaitrice » et non « la » bienfaitrice ? Car je donne également ce titre à tous les auteurs qui me font du bien . Cependant, les signaler à mon intention doit être récompensé comme il se doit ! Vous devez lire cet ouvrage, surtout si, comme moi, dans les musées, il vous est arrivé de mourir d’ennui en traversant certaines salles . Savoir que, si l’on porte un regard critique sur des chef d’œuvre (s’ils sont au Louvre, ce sont bien des chef d’œuvre non ?) on est en bonne compagnie, m’a fait un plaisir immense.

Avez-vous déjà remarqué le nombre de vierges à l’enfant qui tiennent très mal le bébé qu’on leur a mis dans les bras ? Si vous avez essayé de tenir le vôtre de cette façon, il serait à coup sûr tombé par terre. Peut-être qu’elle ne l’aimait pas tant que ça, ce bébé, et après tout, avec tous les soucis qu’il lui donnera plus tard, on peut la comprendre. Je suis aussi souvent agacée sur les remarques basiques que j’entends sur l’art de notre époque, pour ça aussi cela me fait du bien qu’on se moque des œuvres qui, bien qu’anciennes et consacrées, ne sont pas si bien construites que ça ! Je me demande si, depuis que ce livre est paru, des gens se promènent avec ce guide sous le bras et se tordent de rire dans cette vénérable institution en regardant ce genre de tableau et en lisant le commentaire qu’en on fait nos auteurs.

Pour vous donner un avant-goût de ce qui vous attend voici un exemple :

20160504_154547Il s’agit de l’enlèvement de Déjanire par le centaure Nessus 1755 peint par Louis Lagrenée (vous le trouverez Sully 2e étage. Vigier Le Brun salle 52)

Centaure et sans reproche

Au moins, on ne pourra pas dire reprocher à Louis Lagrenée de gâcher de la toile ! Il a incontestablement travaillé les effets de matière, à tel point qu’on ne sait plus quoi regarder : le paysage flou et sucré à l’arrière-plan, les muscles bien dessinés des athlètes sans maillot, les mètres de drapés virevoltants, sans oublier le crin blanc de la queue nerveuse du centaure, ni la transparence de l’eau.

Au premier plan, un homme âgé – quoique fort bien bâti- se roule part terre de dépit, tirant la queue d’un autre candidat, qui a tellement abusé des hormones que son corps en a été modifié, moitié cheval, moitié vache (notez la robe, si caractéristique des normandes). A l’arrière-plan, un candidat en plein effort. Certes, il appuie légèrement son pied gauche sur un rocher, mais il pourrait décocher ses flèches en faisant des pointes s’il le voulait tant il a travaillé ses quadriceps. Concentrons nous sur Dénajire : pourquoi avoir investi dans autant de tissu pour se retrouver un sein (fort beau d’ailleurs) à l’air ? Est-ce pour cela qu’elle arbore un air si tragique ou bien est-elle déçue d’être embarquée par le culturiste blond ? L’énorme jarre située en bas à gauche prend alors tout son sens : tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse.

Grâce à ce tableau, Luis Lagrenée a été reçu membre de l’Académie royale de peinture. Autre temps, autre mœurs.

SONY DSCTraduit de l’anglais par Patrick Marcel.

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Avis à tous ceux et celles qui possèdent une liseuse, ce petit texte est gratuit ! Votre seul désespoir sera de ne pas pouvoir le prêter à tous ceux et à toutes celles avec qui vous aimeriez le partager. Quand je pense que Flaubert voulait nous faire croire qu’il existait de mauvaises lectures et que si Emma rate sa vie c’est parce qu’elle s’est réfugiée dans des lectures trop romantiques ! On sent qu’il n’avait pas lu Neil Gaiman !

Un peu comme Pennac, il nous dit qu’il n’y a pas de mauvaises lectures , lire est en soi un geste salvateur et comme tous les grands lecteurs, il se retrouve chez lui dans les bibliothèques. Il pense que lire des fictions oblige le lecteur à s’intéresser à d’autres destins et permet de comprendre l’humanité. Je pourrai bien vous recopier entièrement sa conférence tellement tout ce que je lisais me faisait plaisir

Citations

J’ai assisté un jour à New-York à une conférence sur la construction de prisons privées, – une énorme industrie en développement en Amérique. Cette industrie des prisons a besoin de planifier sa croissance future : de combien de cellules va-t-elle avoir besoin ? Combien de détenus y aura-t-il dans quinze ans ? Et il sont découvert qu’on pouvait le prédire très facilement, en utilisant un algorithme assez simple, basé sur la recherche du pourcentage d’enfants de dix et onze ans qui ne savaient pas lire.et qui, à coup sûr ne lisaient pas pour le plaisir.

L’importance de la science fiction

Je me trouvais en Chine en 2007, lors de la première convention de Science-fiction et de Fantasy de l’histoire chinoise à être approuvée par le Parti. Et, à un moment, j’ai pris à part un officiel de haut rang, et je lui ai demandé : « Pourquoi ? » la SF faisait depuis longtemps l’objet d’une désapprobation. Qu’est ce qui avait changé ?

« C’est simple », m’a-t-il répondu. Les Chinois excellaient à créer des choses si d’autres leur en apportaient les plans. Mais ils n’innovaient pas, ils n’inventaient pas. ils n’imaginaient pas. Aussi ont-ils envoyé une délégation aux USA, chez Apple, Microsoft, Google, et ils ont posé là-bas aux gens des questions sur eux-mêmes. Et ils ont découvert que tous avaient lu de la science-fiction quand ils étaient enfants.

L’obligation de rêver

Nous tous- adultes et enfants, écrivains et lecteurs-, nous avons l’obligation de rêver. Une obligation d’imaginer. Il est facile de se conduire comme si personne ne pouvait rien changer, comme si nous étions dans un monde où la société est énorme et l’individu moins que rien….Mais la vérité, c’est que les individus changent sans cesse leur monde, les individus fabriquent l’avenir, et ils le font en imaginant que les choses peuvent être différente…Tout ce que vous pouvez voir murs compris, a, un moment donné, été, imaginé. Quelqu’un a décidé qu’il était plus facile de s’asseoir sur une chaise que par terre et a imaginé la chaise.

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Traduit de l’Italien par Béatrice Vierne.

Citation qui donne tout son sens à cet essai

Ah la vérité historique… C’est une île imaginaire, elle ouvre des trous noirs qu’on ne peut remplacer qu’au conditionnel. 

3Toujours Dominique tentatrice pour les voyages insolites, mais j’ai été beaucoup moins convaincue que par « Aux frontières de l’Europe« , certes je suis séduite par l’érudition de cet auteur et aussi son talent à nous faire revivre Hannibal que l’on ne connaît qu’à travers ses ennemis qu’il a bien failli anéantir : les Romains. Mais ma progression dans ce voyage fut laborieux, je n’ai pas retrouvé l’allant de ma précédente lecture. Certes, le sujet passionne les érudits et ce chef de guerre est bien difficile à cerner. Il y a tant de légendes qui courent sur son compte. Où est donc la vérité ?

Surtout que l’on sait bien que Rome n’a eu de cesse que d’effacer toutes les traces de celui qui a les a presque fait disparaître de l’histoire de l’humanité. Les lieux sont bien difficiles à mettre sur une carte, car même les lits des rivières ont évolué depuis les guerres puniques. Alors où se trouve, donc, Cannes qui a vu l’extermination de 60 000 soldats ? Bataille mémorable, encore étudiée dans les écoles militaires mais dont on ne retrouve aucune trace à l’endroit où l’on a cru pendant longtemps qu’elle s’était déroulée. Toute l’Italie est là dans ce récit, la romaine comme la catholique, la fasciste comme celle d’aujourd’hui, mais tant d’érudition et d’hésitations sur ce qui s’est vraiment passé ont fini par épuiser ma réserve de bonne volonté.

Citations

Réflexion sur notre époque

Vingt-deux siècles, ce n’est qu’un souffle dans l’histoire humaine. Je repense à ce que me racontaient mes grands-parents et je m’aperçois qu’en effet il existe encore un fil rouge qui me relie à l’Antiquité. Je ne sais pas si mes fils pourront en dire autant, dans cette société qui tue le temps avec l’hypervélocité télématique.

Remarque sur les chaînes d’hôtels

Lorsque j’arrive à l’hôtel, un blockhaus glacial, affligé de la décoration funéraire propre aux chaînes hôtelières américaine…

Dégâts du béton

En Espagne vous dira-t-on , le béton « a fait plus de dégâts que la guerre civile ». Le béton des pots-de-vin, bien évidemment. Un assaut de spéculations immobilières, qui au cours de ces dernières années a donné lieu à des faillites spectaculaires et à des fuites rocambolesques avec le butin, parmi les délices de Marbella.

Tourisme fluvial

Je me dis : cette Europe fluviale somnolente est vraiment un continent inconnu, avec ses marins d’eau douce qui sont bien les seuls à célébrer les joies de la lenteur dans une ultime zone franche assiégée par le vacarme de la terre ferme.

L’Italie aujourd’hui

Au sortir des Alpes commence la plaine des Italiens moyens qui déambulent avec leur portable vissé à l’oreille. Mon peuple est en apnée sous des nuages de mousson, avançant à la queue leu leu dans le labyrinthe d’un réseau routier dément. Entrepôts, herbes folles et insulte à la mémoire sont visibles de partout dans cet espace qui paraît avoir perdu chacune de ses lignes directrices

 Pour réfléchir

Les provinces se prennent par la force, mais se gouvernent par le droit. Elles sont faciles à conquérir, difficiles à conserver. (Hérodote)

La modernité

la mort du mythe est le phénomène le plus obscène des temps modernes. C’est la fin de l’enchantement, de l’imagination , du désir.

Exploit de Jules César

Jules César qui déplaça ses hommes de la Toscane à l’Andalousie en vingt-huit jours à peine.

SONY DSCTraduit de L’anglais (États-Unis) par Sylvette GLEIZE.

Voici la pensée de Marc Aurèle avec laquelle s’ouvre le livre et qui lui donne son titre  :

Nous sommes tous créatures d’un jour.
Et celui qui se souvient, et l’objet du souvenir.
Tout est éphémère.
Et le fait de se souvenir, et ce dont on se souvient.
Aie toujours à l’esprit que bientôt tu ne seras plus rien, ni nulle part.

4
J’ai découvert cet auteur il y a deux ans maintenant et il y a entre ses livres et moi une résonance particulière. Cela ne s’explique pas complètement, la seule phrase qui me vient à l’esprit est celle-ci : j’aime passer du temps avec cet auteur. Pour ses romans déjà chroniqués (« le problème de Spinoza » , « Et Nietzsche a pleuré » et le premier « Mensonges sur un divan« ), je peux sans aucun problème mettre cinq coquillages pour convaincre tous ceux qui lisent ce blog de les lire, autant pour ce livre, ces quatre coquillages, reflètent davantage mon plaisir de sentir une telle adéquation entre cet auteur et ma sensibilité actuelle.

Oui, c’est compliqué parfois de vieillir, et la mort qui rôde autour de nous tous est de plus en plus présente supprimant de notre quotidien des amis qui partageaient notre vie. La lecture de Montaigne à travers le livre de Sarah Bakewell, m’avait rappelé que la peur de la mort empêchait souvent les êtres humains de vivre. Irvin Yalom, nous raconte dans son dernier ouvrage, dix personnalités qui sont venus le consulter en tant que thérapeute et se dévoilent alors, bien des facettes du comportement humain. Irvin Yalom est un thérapeute particulier qui intervient dans le dialogue entre lui et son patient quand il pense que cela peut aider la personne à prendre conscience des problèmes qui l’empêchent de mieux vivre. Il me fait penser à Paul Weston dans In Treatment  : jamais de recettes miracles et jamais de « déclic » qui vont totalement changer le comportement d’autrui.

Les phrases qui aident sont imprévisibles, comme celle prononcée par une infirmière à une patiente qui vivait la destruction de son foie « faire bonne figure pour ses enfants et petits enfants », elle réussira alors à surmonter son angoisse de mort. Irvin Yalom aura un jour cette infirmière comme patiente, et découvrira, à sa grande surprise et à la nôtre, les véritables raisons qui ont poussé cette femme à prononcer ces mots qui ont tant aidé sa patiente. Rien de spectaculaire dans ses dix patients , juste de l’humain et Irvin Yalom qui nous aide à faire un peu de tri dans nos soucis du quotidien, cet homme au sourire malicieux a quatre vingt un an, il semble si heureux qu’avec lui, on veut bien continuer notre chemin pour VIVRE le moins mal possible.

Citations

Vieillir

J’ai quatre vingt un ans, c’est vieux. Terriblement vieux. Cela m’horrifie quand j’y pense. Je ne me sens pas vieux et je me demande sans cesse comment c’est arrivé. J’ai toujours été le plus jeune partout – en classe, dans l’équipe de baseball du camp de vacances, au tennis – et voilà tout à coup que je suis le plus âgé, où que j’aille – au restaurant, dans les conférences professionnelles – je n’arrive pas à m’habituer.

Une maladie mortelle

Et à la lumière (ou à l’ombre) de cette idée, apprendre à vivre . À vivre maintenant. Voilà ce que m’a enseigné le cancer – qui vous montre la maladie incurable, avant de vous recracher, de vous renvoyer au monde, à votre vie, avec tous ses plaisirs et toutes ses douceurs que vous ressentez alors encore plus fort. Et vous savez que quelque chose a été donné et quelque chose a été repris.

Émettre des diagnostiques pour remplir des cases

Dans ma pratique de la psychothérapie depuis quarante ans auprès de patients moins gravement atteints, j’estime le diagnostique le plus souvent inapproprié, et j’en suis venu à la conclusion que les contorsions auxquelles nous, psychothérapeutes, devons nous livrer pour répondre aux exigences des compagnies d’assurances qui veulent des diagnostics précis, se font au détriment à la fois du thérapeute et du patient. Le processus de diagnostic n’est pas applicable à la personne dans sa complexité. Les catégories diagnostiques ont éte forgées de toutes pièces et sont arbitraires. Elles sont le produit d’un vote collectif et subissent invariablement, et dans des proportions considérables, des révisions tous les dix ans.

Une maison de retraite

Fairlawn Oaks est un endroit formidable . Une sacrée organisation. Si je devais le gérer, je ne changerai pas grand chose, je crois. Le problème vient de moi, je le reconnais. Fairlawn Oaks a tout pour plaire. Les repas sont de qualité, on peut y faire des tonnes d’activités fabuleuses. Le parcours de golf est un peu sage, mais pour mon âge il est parfait. Le problème chez moi , c’est ce sentiment d’ambivalence qui me paralyse à longueur de journée. Chaque fois que je commence une activité, mes pensées s’orientent vers une autre . Je ne fais aucun plan maintenant – du moins pas comme les autres le font – ça ne me correspond pas . Pourquoi faudrait il que j’aille à l’aquagym tous les après midi à quatre heures ? Ou au briefing sur l’actualité à dix heures tous les matins ? Pourquoi faudrait-il que je mette chaque fois la clef dans la poche qui est accrochée à ma porte ? Pourquoi faudrait il que je prenne mes repas à la même heure tous les jours ? Ce n’est pas moi le vrai moi, le vrai Rick Evans , aime ce qui est spontané.

La mort et la vie

Lorsque la passion décline avec le temps, alors on découvre le merveilleux ciel étoilé que le soleil a obscurci, ou caché. La disparition des passions parfois tyranniques de la jeunesse m’a personnellement permis d’apprécier davantage encore le ciel étoilé et le prodige que constitue le fait d’être en vie. J’ai plus de quatre vingts ans , et je vais vous dire une chose incroyable : je ne me suis jamais senti aussi bien ni plus en paix avec moi même. Oui , je sais que ma vie approche de sa fin, mais la fin est là depuis le début. Et la différence aujourd’hui est que je goûte les plaisirs que me procure ce savoir.

SONY DSCTraduit (de façon étrange parfois) de l’anglais par Béatrice Vierne.

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J’ai suivi les plaisirs de Dominique et j’ai mis mes pas dans ceux de Kathleen Jamie. Avec un peu d’appréhension car je me méfie des passionnées de nature. Mais je devais me rendre à la boutique Orange pour échanger ma « Live box » foudroyée par un orage du début de l’été. Allez chez Orange, c’est apprendre la patience, et pour ne pas être envahie par la laideur ordinaire du centre commercial, quoi de mieux qu’un livre qui vous entraîne dans les îles du nord de l ‘Écosse. Le livre comporte 11 ballades, 8 m’ont absolument ravie. Une m’a vraiment déçue, celle à travers les bocaux des pathologistes et anatomistes de l’hôpital de Surgeons’ Hall et je n’ai trouvé aucun intérêt à la description d’Edimbourg.

J’ai parfois été étonnée par la traduction, heureux ceux qui peuvent lire cette auteure en anglais ! Les cinq premières ballades sont absolument magiques, on peut les lire avec Internet pour savourer toutes les images que Kathleen Jamie nous évoque avec beaucoup de grâce, de précision et d’humour.

Elle se sert de ses talents d’écrivaine pour nous embarquer dans des lieux magiques et nous faire réfléchir sur la complexité de l’âme humaine. Pourquoi en effet les hommes d’aujourd’hui se précipitent-ils à Maes Howe sur l’île principale des Orcades, pour voir un simple rayon de soleil éclairer le fond du tombeau au solstice d’été, alors que notre monde met de la lumière partout et semble détester par dessus tout l’obscurité ? En revenant de cette visite, elle se demande et nous avec elle, quels vestiges de notre civilisation d’autres hommes dans 2000 ans visiteront avec autant d’émotion ? Un simple rayon de soleil capté par une construction de pierre a donc plus de chance de passer à la postérité que la fusée qui a conduit des hommes sur la lune ?

À la recherche des oiseaux , elle nous fait aimer le « crex-crex » ou « râle des genets » oiseau qui était commun et abondant et que la mécanisation de l’agriculture a fait disparaître. N’est-elle pas cette agriculture, responsable de la disparition d’une certaine poésie. Les horribles rollers de foin entourés de plastique vert ont définitivement chassé les « petits dieux des champs ». Si être passionné par les oiseaux, c’est avoir la chance d’assouvir son passe temps dans des endroits aussi beaux que les Orcades ou les iles Hébrides alors je crois bien que je ne vais pas tarder à faire partie de leur confrérie.

Citations

L’obscurité

Un peu de pitié pour l’obscurité ! Que nous sommes donc soucieux de la terrasser et de la bannir, qu’elle est donc pleine à éclater de tout ce qui est diabolique, tel un sinistre réduit sous l’escalier… Tenez , j’ai cherché le mot « obscurité » sur Internet – et aussitôt on m’a servi des ministères chrétiens se proposant de me guider vers le salut.

Météo que je connais (petit problème de traduction que vient faire le « cependant » ici ?)

Après la pluie, cependant, deux jours complets, nous avons vu poindre une journée éclatante et reluisante de propreté : tout avait été rincé à fond, le ciel et les arbres, les gouttières et les fenêtres, et même les éclaboussures de fiente, sous la corniche des deux faucons avaient disparu. 

Vrai problème de traduction que veut dire ici le mot « un cours » ?

Je n’avais jamais encore mis les pieds sur un yacht, jamais navigué sur un bateau plus petit qu’un ferry de la compagnie CalMac, je n’étais jamais arrivée à terre ailleurs que dans un port, une ville, avec toute la panoplie des activités humaines – les casiers empilés, les émanations de diesel, une église en haut d’une butte avec une girouette en forme de poisson. Je n’avais jamais compris qu’on pouvait tracer une ligne droite à travers l’océan et appeler ça un cours

La poésie et les oiseaux

Me voyant émerveillée, il m’a assuré qu’identifier un oiseau était assez comparable au fait d’élaborer un poème ou tout autre écrit , à partir de notes comme celles que je m’arrêtais pour prendre dans mon cahier à l’abri du vent

C’est bien vrai

Jusque là, cependant, si l’ancre chassait ou si la chaîne se rompait, nous serions drossé à la côte. « Pour un marin, la terre n’est pas synonyme de sécurité. Ce qu’on veut, c’est être entraîné vers la haute mer. »

Le râle des genets ou crex crex

Le temps n’est pas idéal pour observer les râles des genets. Le ciel est très couvert , les coups de chien menaçant, la brise est très froide.Or, si le vent dépasse les trois nœuds , les râles n’ont pas envie de sortir. Ils n’aiment pas voler, le vent et la pluie leur déplaisent, et ils n’ont aucune envie de se donner en spectacle- c’est le genre d’oiseau qui demande à être dispensé d’activités sportives.
Sarah me parle d’une vieille dame qui est restée assise , tranquille et bien élevée, pendant une heure , deux heures…. et puis soudain, il y a eu des cris de sioux et Sarah s’est retournée pour voir la visiteuse bondir comme une folle, en donnant des coups de poing dans le vide, comme un footballeur, tout ça parce qu’elle avait entrevu un insaisissable oiseau brun.

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Ces deux livres qui se suivent sur mon blog ont en commun plusieurs choses : Poutine veut revisiter l’époque stalinienne pour en retirer ce qui a été favorable à la Russie, Nicolas Werth accompli un remarquable travail d’historien pour mettre en lumière les horreurs de cette époque et montrer comment et pourquoi elles se sont produites. Poutine pense qu’il faut arrêter de penser au passé et oublier les crimes et les criminels de l’histoire de l’URSS, Nicolas Werth pense que la Russie irait mieux si elle se souvenait de ce qui a eu réellement lieu durant l’ère soviétique.

J’ai essayé plusieurs fois de lire ce livre et plusieurs fois, j’ai renoncé, tant l’effroyable vérité qui s’imposait à moi grâce au travail de Nicolas Werth me rendait littéralement malade. Mais après avoir lu l’essai de Michel Eltchaninoff « Dans la tête de Poutine » , je voulais aller jusqu’au bout du récit de l’horreur. Poutine veut réhabiliter quelques aspects du Stalinisme, déclarant dans une formule célèbre « Celui qui ne regrette pas la destruction de l’Union soviétique n’a pas de cœur. Et celui qui veut sa reconstruction à l’identique n’a pas de tête ». Il nous reste, donc, à lire le travail des historiens pour savoir ce qu’a été exactement cette période de l’histoire de ce malheureux pays.

Nicolas Werth fait un travail très sérieux, il donne toutes ses sources et s’appuie uniquement sur les documents officiels soviétiques . L’île de Nazino ou « l’île aux cannibales » est un des rares événements bien connus des autorités de l’époque. (Mais ne représente que 1 % des disparus des colonies de peuplement) Une enquête a été diligentée sur cette effroyable déportation  : en 1933, on a envoyé des milliers de déportés dans une île entourée de marécages, ils étaient pour la plupart des citadins en tenu de ville et n’avaient aucun outil pour survivre dans un milieu hostiles. Les plus féroces d’entre eux ont tué les plus faibles pour les manger.

Cela n’est pas arrivé par hasard, Nicolas Werth démonte tous les rouages qui ont permis d’en arriver là. On aurait pu penser que l’échec des colonies de peuplement dont le point culminant est Nazino, allait permettre une prise de conscience des dirigeants communistes et effectivement cela a servi de leçon mais pas dans le sens que des êtres humains auraient pu l’imaginer. 1933 n’est que le début de l’élimination des « parasites » qui ne comprennent pas les bienfaits de la grande cause prolétarienne. … et en 1937 commencera « la grande terreur », Staline aura bien retenu la leçon de Nazino, plus de colonies de peuplement , il a mis en place des exécutions très rapides après des jugements expéditifs, Nicolas Werth avance un chiffre de 800 000 personnes fusillées et les autres finirent au goulag au travail forcé.

Si j’étais Russe je manquerai certainement de cœur MONSIEUR Poutine, mais je ne voudrais pas que l’on me force à regretter L’URSS.

Citations

La grande famine en Ukraine : Holodomor

L’horreur des chiffres

Depuis l’instauration des camps de travail et « des villages spéciaux » pour paysans déportés, les prisons, dont la capacité maximale était de l’ordre de 180 000 places accueillaient en règle générale les condamnés à de courtes peines (inférieures à trois ans) et les individus arrêtés en attente de jugement. A partir de l’été 1932, sous l’effet des arrestations massives liées à la campagne de collecte, particulièrement tendue, le nombre des détenus incarcérés en prison augmenta de manières exponentielle pour atteindre le chiffre énorme de 800 000 personnes au printemps 1933. 

Toujours l’horreur

En trois ans, le cheptel sibérien fondit, selon les données officielles, des deux tiers, tandis que les rendements céréaliers baissaient des 45 .Les plans de collecte, quant à eux, augmentèrent durant ces années de plus de 30 % . Dès le printemps 1931, les rapports secrets de l’OGPU envoyés à la Direction régionale du Parti reconnaissaient l’existence de « foyers isolés de difficultés alimentaires » . Le plan de collecte de 1931, très élevé- plus de 1400 000tonnes de céréales et 450 000 tonnes de viande- , fut réalisé avec plusieurs mois de retard et au prix d’un abattage massif du cheptel et d’une confiscation d’une partie des semences pour la récolte de l’année suivante. Dans une quarantaine de districts agricoles du sud de la Sibérie occidentale, les disettes de 1931 evoluerent localement vers de véritable famines durant le printemps 1932

L’île aux cannibales

A Nazino, à la suite d’un faisceau de circonstances aggravantes – un groupe d’individus exceptionnellement démunis et inadaptés, expédiés sans la moindre intendance et débarqués dans des lieux particulièrement inhospitaliers -, ce sont les deux tiers des déportés qui disparaissent en quelques semaines. Exemple extrême, cas limite, cet épisode meurtrier s’inscrit non seulement dans la mise en œuvre d’une utopie , dans le fonctionnement d’un système bureaucratique et répressif-celui des Peuplements spéciaux- mais aussi dans un espace saturé de violence.
 
Les gardes et les commandants n’avaient – dans les premiers jours du moins- guère réagi ni décidé de mesure d’isolement vis- à-vis des individus interpellés en possession de chair humaine ou pris sur le fait d’en consommer. La plupart d’entre eux furent relâchés, au motif qu' »il n’avait pas été établi qu’ils avaient tué la personne dont ils avaient consommé certaines parties du corps » (….) et que « le code pénal soviétique ne prévoyait pas de peine pour les cas de nécrophagie ».

Conclusion

La famine de 1933 , dans les  » peuplements spéciaux » et l' »affaire de Nazino » contribuèrent, de façon décisive, à déplacer le centre de gravité du système du Goulag des villages spéciaux vers les camps de travail.
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Un essai que j’avais noté lors d’une de mes émission préférée sur France culture : « L’Esprit Public » animée par Philippe Meyer. J’apprécie cette émission que j’écoute en podcast ( le dimanche à 11h du matin, j’ai souvent autre chose à faire !) car les intervenants savent s’écouter et n’ont pas pour but de démolir les arguments de l’autre. L’émission se termine sur un moment agréable : « la séquence des brèves » , chaque intervenant arrive avec une recommandation de lecture, d’exposition ou de spectacle, et je suis rarement déçue par leurs idées. Un dimanche matin, donc, plusieurs intervenants étaient arrivés avec cet essai de Michel Eltchaninoff et les autres approuvaient ce choix.

J’arrive un peu tard pour dire tout le bien que je pense de cet essai et vous en recommander chaudement la lecture. Un peu tard car toutes les idées que ce journaliste, professeur et philosophe avait si bien mises en lumière sont aujourd’hui reprises par toute la presse. Par exemple : ce qui constitue un tournant dans les positions de Poutine face à l’Europe occidentale, c’est l’ intervention contre la Serbie pour soutenir le Kosovo. Poutine a alors su rassembler le peuple russe en rallumant les vieilles peurs de l’encerclement par des forces ennemies du territoire russe.

Mais même si on sait beaucoup de choses sur la Russie de Poutine et que cet essai a perdu un peu de son actualité, on découvre avec grand intérêt ce qui anime cet homme d’état hors du commun. Et les raisons pour lesquelles il est suivi par une majorité de ses concitoyens. Ce n’est pas un livre difficile à lire, même s’il nous plonge dans les pensées de philosophes du XIXe et du début du XXe siècle que je ne connaissais pas. Comme Poutine est un incroyable opportuniste, il pioche dans tous les modes de pensée qu’il peut trouver pour redonner à son pays le courage de lutter pour retrouver son lustre d’antan. Ce n’est pas très réjouissant, en particulier pour l’ Ukraine, car il est prêt à utiliser tous les moyens pour faire revenir cette région dans le giron du grand frère russe. Et quand on voit comment il n’a pas hésité à déclencher la deuxième guerre de Tchétchénie, on peut se dire que rien ne l’arrêtera.

Une petite note d’espoir ? Poutine veut redonner sa force aux idées traditionalistes, il veut retrouver les valeurs de l’homme russe, et pour cela est un violent adversaire d’un ensemble d’idées sans liens apparents entres elles, sauf qu’elles sont des marqueurs de la liberté d’expression. Il est donc violemment homophobe, il veut contrôler les réseaux sociaux et déteste Internet. Je me dis alors, que si sa jeunesse ressemble à la notre, il va avoir bien du mal à la contrôler. À l’extérieur de son pays il mise sur les forces politiques qui sont encore minoritaires, le front national en France et tous les partis qui font du sursaut national leur cheval de bataille.

La tête de Poutine est donc remplie de théories plus ou moins fumeuses mais toutes mises au service du développement économique de la Russie, le plus triste mais est-ce si étonnant, c’est que Poutine en réalité loin des grandes idées ne lutte que pour la suprématie du rouble.

Citations

Résumé de la pensée de Poutine

Cette doctrine s’étage sur plusieurs plans : à partir d’un héritage soviétique assumé et d’un libéralisme feint, le premier plan est une vision conservatrice. Le deuxième, une théorie de la Voie russe. Le troisième, un rêve impérial inspiré des penseurs eurasistes. Le tout sous le signe d’une philosophie à prétention scientifique.

Formule de Poutine

Celui qui ne regrette pas la destruction de l’Union soviétique n’a pas de cœur. Et celui qui veut sa reconstruction à l’identique n’a pas de tête.

Discours du 25 avril 2005

Qu’est ce que la chute de l’Union soviétique ? Vingt-cinq millions de citoyens soviétiques hors des frontières de la nouvelle Russie. Et personne n’a pensé à eux…

La voie russe pour justifier l’annexion de la Crimée discours de Poutine 18 mars 2014

La politique d’endiguement de la Russie, qui a continué au XVIIe, au XIXe, au XXe siècle, se poursuit aujourd’hui. On essaie toujours de nous repousser dans un coin parce que nus avons une position indépendante, parce que nous la défendons, parce que nous appelons les choses par leur nom et ne jouons pas aux hypocrites. Mais il y a des limites. Et en ce qui concerne l’Ukraine nos partenaires occidentaux ont franchi la ligne jaune. Ils se comportés de manière grossière, irresponsable et non professionnelle.

Conclusion

Mais à la chute de l’Union soviétique, la Russie a dû se résigner à devenir un pays comme un autre, ni pire ni meilleur. Désormais, grâce au pan le plus nationaliste et pseudo scientifique de la philosophie russe, Poutine rend à la Russie sa vocation idéologique internationale… L’URSS n’était pas un pays mais un concept. Avec Poutine, la Russie est à nouveau le nom d’une idée.