Édition Buchet-Castel

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

J’ai un faible pour cet auteur qui raconte si bien le milieu dont je suis originaire. Je ne sais absolument pas si ce roman peut plaire à un large public, car il se situe dans un microcosme que peu de gens ont connu : les logements de fonction pour les institutrices et instituteurs des écoles primaires. J’ai envié celles et ceux de mes amis filles et fils d’instit, comme moi, qui pouvaien,t en dehors des heures d’ouverture scolaires, faire de la cour de récréation leur aire de jeux. Le roman se situe en 1975, année où s’impose un peu partout la mixité ce qui n’est pas du goût de tout le monde. Le roman commence par une tragédie évitée de peu : la chute de Philippe 11 ans du toit de l’école. En effet, si les enfants du roman jouent assez peu dans la cour, ils investissent le grenier qui donne sur le toit. Bien sûr après l’intervention des pompiers pour sauver l’enfant, ils seront interdits de grenier et se réfugieront sur un terrain vague. Ce qui me frappe dans ce roman, c’est l’incroyable liberté dont profite ces enfants. Ils sont laissés à eux même beaucoup plus que ce que je connais des enfants de cette époque. Leur terrain vague est mitoyen d’une ligne de chemin de fer, ils ont, évidemment, interdiction de la traverser , ce qu’ils font, évidemment !
Le livre se divise en quatre chapitre, la présentation des résidents du groupe scolaire Denis Diderot, le second s’appelle « Automne », puis « Printemps » et enfin « Été ». Cela permet de suivre tout ce petit monde une année scolaire, l’auteur raconte avec précision toutes les tensions et des relations plus ou moins réussies entre les enseignants. Il y a donc quelques intrigues qui, à mes yeux, sont secondaires par rapport à l’intérêt principal du livre : je n’avais pas idée à quel point les mœurs de l’école ont évolué : entre la paire de claque (« bien méritée, celle-là ! ») que les instituteurs et institutrices n’hésitent pas à distribuer, les cheveux sur lesquels ils tirent au point d’en arracher des touffes (« ça t’apprendra à faire attention ! »), les oreilles qui gardent les traces d’avoir été largement décollées à chaque mauvaise réponse ou manquement à la discipline (« ça va finir par entrer, oui ou non ! »), aucun enfant d’aujourd’hui ne reconnaîtrait son école ! J’ai aimé tous les petits changement de la vie en société, nous sommes bien sûr après 1968, une référence pour l’évolution des mœurs mais en réalité, comme souvent, il a fallu bien des années pour que cela soit vrai et que les enfants ne soient plus jamais battus à l’école même si chez eux ce n’est pas encore acquis en 2020…

 

Citations

 

Les gauchers

Michèle soupire car Dieu sait à quel point Philippe est empoté. Ce n’est pas de sa faute, à expliquer le rééducateur, c’est à cause de sa patte gauche, c’est un gaucher franc (parce qu’apparemment il y en a des hypocrites, des qui se font passer pour gaucher alors qu’en fait ils sont droitier, heureusement qu’on ne compte pas Philippe parmi ces fourbes-là) et, à partir de là, on ne peut pas remédier à son handicap.

Autre temps autres mœurs

Tous les parents s’accordent à dire que c’est un excellent maître parce qu’avec lui, au moins, ça file droit et qu’on entendrait une mouche voler. On concède qu’il est un peu soupe au lait et qu’il monte facilement en mayonnaise, mais on ne fait pas d’omelette sans casser des œufs. Du côté des parents, on aime les proverbes et les expressions consacrées. Et l’ordre, surtout. On ne cille pas devant les témoignages de touffes de cheveux arrachés ou de gifles retentissantes. On répète que c’est comme ça que ça rentre et tu verras plus tard au service militaire.

 

Édition Gallimard

 

Je me souviens encore du plaisir que j’ai eu à lire « Balzac et la petite tailleuse chinoise » , et lorsque j’ai vu ce roman à la médiathèque, je me suis souvenue avoir lu un billet sur le blog « Journal d’une lectrice », je n’ai pas hésité, je suis donc partie avec cet auteur qui raconte si bien son pays dans la ville côtière de Putian. Yong Shen est le fils du charpentier du village, il sera marqué à tout jamais par un sermon d’un pasteur américain qui parle lui aussi d’un fils de charpentier. Il devient chrétien et fabricant de sifflets pour des colombes.

Il passe un certain temps auprès de ce pasteur et de sa fille Mary. Puis, il fait des études de théologie mais auparavant, il sera marié pour respecter d’obscures superstitions. Il revient chez lui, et il apprend que sa femme a donné naissance à une enfant aux yeux clairs, Helai, cette enfant fera son bonheur et son malheur à la fois. S’il n’en est pas le père biologique, il l’a élevée avec amour mais en périodes de folies révolutionnaires être fille de pasteur, être brillante intellectuellement, et avoir des yeux bleus , s’avèrent très dangereux . Alors, après la période de bonheur ou Yong Shen a été pasteur à l’abri de son arbre chéri, né en même temps que lui : l’aguilaire qui est -si j’ai bien compris- l’arbre qui donne de l’encens, viennent les différentes épisodes de la révolution communiste. Le « grand bon en avant », sera suivi par la révolution culturelle et si Yong Shen n’y laisse pas sa vie, il y laisse son âme et sa foi.

 

Comme souvent dans un bon roman qui s’appuie sur la tragédie historique et sur la folie des hommes, il y a des moments de détentes et même de rire. L’émeute provoquée par l’opération du petit garçon chinois d’une ectopie testiculaire est à la fois, bien racontée et très drôle, tout le village est persuadé que le médecin blanc s’en prend à la virilité de l’enfant chinois. Comme on traverse plus de la moitié d’un siècle -et quel siècle !-, ce roman est très dense et fourmille d’histoires et de personnages très divers. Même les personnages secondaires sont intéressants et lorsque le rouleau compresseur s’abat sur le peuple, il n’y a pas beaucoup de recoins pour se cacher et échapper à la terrible remise au pas de tout un peuple.

Les souffrances du pasteur reconnu comme traître à la cause du peuple et dénoncé par sa propre fille qui veut sauver sa vie et celle de son enfant sont à peu près insoutenables s’il n’y avait pas le talent de ce grand écrivain qui embarque son lecteur dans des descriptions poétiques et un monde fait de beauté et de rêve. La tragédie et la mort sont présentes jusqu’à la dernière ligne mais elle est accompagnée par le « Concerto en ré majeur de Beethoven » et cela donne une impression qui s’élève au-delà de la réalité de la souffrance humaine .

 

Citations

Traditions

C’était le ruban de satin rouge que la famille Yong espérait depuis huit ans, car, selon la coutume, à Putian, on accrochait un ruban rouge à un arbre de sa maison, pour annoncer au monde que l’épouse était enceinte.

Yong Sheng est torturé par les communistes en 1949. Il est alors directeur de l’orphelinat

Un petit de sept ou huit ans s’approcha du révolutionnaire. 
« Vous pouvez faire redescendre notre directeur ? 
-Tu ne dois plus l’appeler directeur, mais ordures impérialiste. 
-Vous pouvez faire redescendre notre impérialiste s’il vous plaît ? 
-Bon point pour toi, je vais le faire redescendre, et procéder à la deuxième partie de son interrogatoire. »

Les réunions publiques sous la révolution culturelle

Les paysans présents depuis le matin étaient rentrés déjeuner chez eux, mais sitôt leur repas pris, ils revinrent avec leurs enfants, et des tabourets bas pour s’asseoir. Assister à une séance de critique n’était pas un acte gratuit. Selon le barème en vigueur, une demi-journée de présence rapporter cinq points à un homme, quatre à une femme, trois au vieillard, ou malade et aux handicapés. Quant aux cadres non rémunérés par l’État, ils touchaient une prime, en plus de leur salaire régulier.

Le manchot, en tant qu’ancien droitier réhabilité, jouissait théoriquement de ses droits civiques, mais en pratique, il n’était jamais autorisé à assister à une réunion politique de la commune. Non pas qu’on lui refusât la petite compensation financière ou la journée de repos qu’impliquait une participation à de tels rassemblements, pour les paysans et les ouvriers c’était moins dur que de journée de travail, mais son statut de consigner le mettait à part. Chaque mois, en tant que boucher en attente d’emploi, il était rémunérée par le district, qui ne l’autorisait pas assister aux meetings et l’obligeait à travailler. 

Torturé pendant la révolution culturelle

La plaque de ciment de dix kilos y exerçait une pression telle que l’acier pénétrait profondément dans sa chair. La large tuméfaction qui s’était formée autour ne cessait de gonfler. Ses vertèbres cervicales semblaient sur le point de se briser.(…)
Il songea que les concepteurs de la plaque de ciment étaient d’une intelligence redoutable. Il avait vraiment été inspirés. Avec leurs inventions, il avait écrit, au vingtième siècle, un nouveau chapitre des lois de la gravité, plus le fil de fer sur lequel reposait le poids de la plaque était fin, plus la gravité en démultipliait la pesanteur. 
Il leva la tête, et, à travers la sueur épaisse qui brouillait et ses yeux, il aperçut devant lui le visage de Mao, comme une apparition confuse, entourée d’un halo trouble. C’était un portrait du président que ses accusateurs avaient installé devant lui, pour la réunion de critique .
 » Président Mao, je suis vraiment incurable. Mon infection idéologique est trop grave. Vous me donnez l’occasion d’être critiqué par les masses, mais, alors que je suis à genoux devant vous, mon cerveau malade se préoccupe encore des notions physique que j’ai étudié à la faculté de théologie, et la seule chose à laquelle je suis capable de penser, c’est la loi de la gravité découverte par un occidentale. Grâce à votre Révolution culturelle, j’espère pouvoir enfin rompre a jamais rien qui m’attache encore à la pensée des impérialiste. »

 

 

Traduit du néerlandais (Belgique) par Isabelle Rosselin

Edition poche Folio

En lisant le billet de Dominique je m’étais fait une promesse, mettre ce livre dans ma liste, puis dans ma pile à côté de mon lit, et puis finalement de le lire. Promesse tenue. J’ai bien aimé cette lecture dont un bon tiers est occupé par le récit de la guerre 14/18 vu du côté des Belges. Stefan Hertmans a voulu redonner vie à un grand-père très digne et très pieux. Il a voulu aller plus loin que son apparence d’homme sévère habillé en costume et portant tous les jours une lavallière noire et un borsalino. Il a trouvé un homme meurtri par la guerre et qui ne s’est jamais remis des souffrances qu’il a ressenties dans son corps et celles qui ont blessé et tué de façon horrible ses compagnons. La force avec laquelle sont racontés ces combats m’ont permis de me rendre compte de l’héroïsme de cette armée dont je savais si peu de chose avant de lire ce roman. Un autre aspect que j’ai découvert, c’est la domination à l’époque du français sur le flamand (les temps ont bien changé !). Les pauvres soldats flamands non gradés devaient donc obéir à des ordres parfois absurdes et qui, surtout, pouvaient les emmener à la mort donnés par des officiers qui ne s’exprimaient qu’en français d’un ton le plus souvent méprisant. Plusieurs fois, dans ce récit on ressent la langue française comme une façon de dominer les flamands. Comme ce lieutenant qu’il entend dire derrière son dos

Ils ne comprennent rien, ces cons de Flamands

 

Au delà des récits de guerre, on découvre un homme Urbain Martien (prononcez Martine) qui a aimé et a été aimé par ses parents. Son père, grand asthmatique, lui a donné le gout du dessin mais malheureusement, il laissera trop tôt sa femme veuve avec ses quatre enfants. Urbain connaîtra la misère celle où on a faim et froid et pour aider sa mère il travaillera dans une fonderie sans aucune protection et dans des conditions effroyables. Finalement il s’engagera à l’armée et sera formé au combat ce qui le conduira à être un cadre sous officier pendant la guerre.
Il connaîtra l’amour et sera passionnément amoureux d’une jeune femme qui ne survivra pas à la grippe espagnole ; il épousera sa sœur et ensemble, ils formeront un couple raisonnable.

J’ai eu quelques réserves à la lecture de cette biographie, autant le récit de la guerre m’a passionnée car on sent à quel point il est authentique : nous sommes avec lui sous les balles et les des canons ennemis, on patauge dans la boue et on entend les rats courir dans les tranchées. Autant la vie amoureuse de son grand-père m’a laissée indifférente. En revanche, sa jeunesse permet de comprendre cet homme et explique pourquoi la religion tient tant de place dans sa vie. Pour la peinture puisque c’est l’autre partie du titre disons que le talent d’un copiste même merveilleux n’est pas non plus très passionnant, la seule question que je me suis posée c’est pourquoi il n’a que copié des tableaux et n’a pas cherché exprimer ses propres émotions.

Quand je suis étonnée d’apprendre que la ville où j’habite se situe dans le Nord de la France :

Blessé une deuxième fois sur le front de l’Yser, touché par une balle à la cuisse, juste en dessous de l’aine, il avait été évacué ; pour sa rééducation, il avait été envoyé dans la ville côtière de Dinard, dans le nord de la France. Depuis la ville voisine de Saint-Malo, il avait fait la traversée, avec quelques compagnon en rééducation, vers Southampton, pour rendre visite au fils de son beau-père, mais à peine était-il en haute mer une tempête s’était levée, qui avait duré un jours et demi.

Et voici la photo de la foule qui attend l’arrivée des blessés de la guerre 14/18 qui vont être soignés à Dinard dont a fait partie Urbain Martien .

 

Citations

 

Pourquoi cette référence à Proust

Le tailleur l’envoie d’un ton bourru chercher à l’école le fils de cette famille bourgeoise. Au bout d’un certain temps, il est chargé chaque jour de cette tâche et doit porter le cartable rempli de livres du jeune monsieur en prenant garde de rester deux pas derrière lui, pour éviter de recevoir un coup de canne que ce garçon de douze ans manie déjà avec une suffisance proustienne.

Le couple de ses grand-parents

Son mariage avec Gabrielle était sans nuages pour quiconque n’était pas plus avisé.Enchevêtrés comme deux vieux arbres qui, pendant des décennies, ont dû pousser à travers leurs cimes respectives, luttant contre la rareté de la lumière, ils vivaient leur journée simple, uniquement entrecoupées par la gaieté apparemment frivole de leur fille, leur unique enfant. Les journées disparaissaient dans les répliques du temps diffus. Il peignait.

Le 20 siècle

Il a consigné ses souvenirs ; il me les a donnés quelques,mois avant sa mort en 1981. Il était né en 1891, sa vie semblait se résumer à l’inversion de deux chiffres dans une date. Entre ces deux dates étaient survenus deux guerres, de lamentables massacres à grande échelle, le siècle plus impitoyable de toute l’histoire de l’humanité, la naissance et le déclin de l’art moderne, l’expansion mondiale de l’industrie automobile, la guerre froide, l’apparition et la chute des grandes idéologies, la découverte de la bakélite, du téléphone et du saxophone, l’industrialisation, l’industrie cinématographique, le plastique, le jazz, l’industrie aéronautique, l’atterrissage sur la lune, l’extinction d’innombrables espèces animales, les premières grandes catastrophes écologiques, le développement de la pénicilline et les antibiotiques, Mai 68, le premier rapport du club du club de Rome, la musique pop, la découverte de la pilule, l’émancipation des femmes, l’avènement de la télévision, des premiers ordinateurs – et s’était écoulé sa longue vie de héros oublié de la guerre.

Les goûts musicaux

En revanche, il éprouvait du dégoût et de la colère en entendant Wagner et faisait ainsi sans le savoir le même choix que le grand philosophe au marteau : Nietzsche écrivit en effet à la fin de sa vie qu’il préférait la légèreté méridionale, l’affirmation de la vie et de l’amour chez Bizet, au fumerie d’opium teutonnes des ténèbres mystique de Wagner. Offenbach rendait mon grand-père joyeux, et quand il entendait les marches militaires, il se ranimait . Il connaissait par cœur la pastorale de Beethoven surtout le mouvement où le coucou lance son appel dans la fraîche forêt viennoise.

L’accent français en Belgique

En face, dans la boutique d’allure viennoise du boulanger juif Bloch, les femmes de la bonne société prenaient un café servi dans une petite cafetière en argent accompagné d’un croissant beurré, tandis qu’elle lisait un livre acheté chez Herckenrath, le papier d’emballage soigneusement plié en quatre à côté de leur main baguée. Elles étaient tellement chics qu’elle affectaient une pointe d’accent français en parlant flamand.

Avancées techniques allemande 1914

Le fort de Loncin est mis hors de combat par un tir de plein fouet sur la poudrière. Le béton n’était pas encore armée, ce qui fut fatal au vieux mastodonte, dernier vestige d’une époque candide. (…..) En chemin nous apprenons que presque tous les forts sont tombés et que toute résistance est devenue vaine. Les Allemands utilisent des mortiers lourds d’un calibre de 420 millimètres dont nous ignorions totalement l’existence. Leurs tirs ont ouvert des brèches dans tous les forts liégeois ; ces citadelles désuètes peuvent tout au plus résister un calibre 210 millimètres.

Les troupes allemandes en Belgique

Un matin, une semaine plus tard, nous entendîmes pleurer un enfant. Un garçonnet d’une dizaine d’années était debout sur l’autre rive. Le commandant nous interdit d’aller le chercher. Carlier dit que c’était une honte, il retira son uniforme, sauta dans l’eau et nagea jusqu’à l’autre côté. Au moment où il voulut tendre la main à l’enfant, celui-ci détala . Les Allemands se mirent à tirer avec toutes leur bouches de feu, nous n’avions aucune idée d’où provenaient les tirs. Carlier tomba à la renverse, roula sur la berge jusque dans l’eau, plongea en profondeur, ne ressortit que lorsqu’il fut arrivé de notre côté. Tout le monde avait suivi la scène en retenant son souffle ; Carlier fut hissé à terre, le commandant dit qu’il méritait en réalité une lourde sanction, mais en voyant à quel point le procédé des Allemands nous avait indignés, il en resta là.
Nous prîmes conscience que nous avions en face de nous ennemi sans le moindre scrupule. Ce genre de tactique de guerre psychologique était nouveau pour nous, nous avions été éduqués avec un sens rigoureux de l’honneur militaire, de la morale et de l’art de la guerre, nous avions appris à faire élégamment de l’escrime et à réaliser des opérations de sauvetage, nous avions appris à réfléchir à l’honneur du soldat et de la patrie. Ce que nous voyons ici et était d’un autre ordre. Cela bouleversant nos pensées et nos sentiments, nous ressentions, le cœur rempli d’angoisse, que nous revenions d’autres hommes prêts à tout ce que nous avions évité auparavant.

Les atrocités de la première guerre ont-elles entraîné celles de la seconde ?

Toutes ses vertus d’une autre époque furent réduites en cendres dans l’enfer des tranchées de la Première Guerre mondiale. On enivrait sciemment les soldats avant de les amener jusqu’à la ligne de feu (un des plus grands tabous pour les historiens patriotiques, mais les récits de mon grand-père sont clairs à ce sujet) ; les bouis-bouis, comme les appelait mon grand-père, se multipliaient, on en voyait pour ainsi dire partout à la fin de la guerre, de ces lieux où l’on encourageait les soldats à apaiser leurs frustrations sexuelles pas toujours en douceur -une nouveauté en soi, sous cette forme organisée. Les cruautés les massacres transformèrent définitivement l’éthique , la conception de la vie, les mentalités et les mœurs de cette génération. Des champs de bataille à l’odeur de prés piétinés, des mourants comme au garde-à-vous jusqu’à l’heure de leur mort, des scènes picturales militaires avec en toile de fond la campagne du dix-huitième siècle remplie de collines et de boqueteaux , il ne resta que des décombres mentaux asphyxiés par le gaz moutarde, des champs remplis de membres arrachés , une espèce humaine d’un autre âge qui fut littéralement déchiquetée.

Toutes les après-guerres se ressemblent

Partout surgissent de véhéments patriotes, qui pendant la guerre se livraient à un commerce clandestin mais intensif avec les Allemands. Partout des traces et des témoignages sont fiévreusement effacés. Partout j’assiste à des querelles, de l’animosité, des ragots, des trahisons, des lâchetés et des pillages, tandis que les journaux exultent en évoquant une paix bienheureuse. Nous, les soldats qui revenons du front, nous sommes mieux informés. Nous nous taisons, luttons contre nos cauchemars, éclatant parfois en sanglots en sentant l’odeur du linge fraîchement repassé ou d’une tasse de lait chaud.

Explication du titre, et fin du livre

Ainsi, ce paradoxe fut une constante dans sa vie : ce ballottement entre le militaire qu’il avait été par la force des choses et l’artiste qu’il aurait voulu être. Guerre et térébenthine. La paix de ces dernières années lui permit de prendre peu à peu congé de ses traumatisme. En priant Notre-Dame des Sept Douleurs, il trouva la sérénité. Le soir avant sa mort, il est parti se coucher en prononçant ces mots : je me suis senti si heureux aujourd’hui, Maria.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard. 

Cela faisait un moment que mes lectures ne me menaient pas vers un plaisir total. J’adore, quand je lis retrouver tout ce qui a enchanté mon enfance :

  • Une langue qui fonctionne bien et qui, ici, est très belle.
  •  Une histoire qui me bouleverse.
  • Partir dans des contrées que je ne connais pas très bien
  • Me retrouver dans les sentiments décrits par l’auteur.

Il y a tous ces ingrédients dans cette histoire et plus encore. L’auteur a voulu retrouver qui était Jacob, cet oncle qui est mort en Alsace en libérant la France de l’occupant Nazi. Comment ce jeune juif de 19 ans, n’ayant vécu qu’à Constantine s’est-il retrouvé dans l’armée de de Lattre de Tassigny ? Valéry Zenatty a cherché, elle peut ainsi nous faire vibrer aux souffrances de ces familles juives algériennes plus proches des arabes que des français. Pétain leur retirera la nationalité et leur interdira même d’aller à l’école, mais lors de l’indépendance de l’Algérie, toute sa famille et sans doute tous les juifs viendront vivre en France. Cette famille est très pauvre et dominée par des hommes violents et rudes. L’amour des femmes pour leurs enfants passe par la cuisine, des petits plats qu’elles préparent pour eux, plus que par des paroles ou des gestes. Cette auteure sait décrire l’atmosphère de cette maison si pauvre où la famille s’entasse dans une seule pièce. Jacob peut survivre grâce à la culture qui ne lui servira à rien dans l’armée, mais lui, simple soldat de seconde classe fera le malheur de sa mère en décédant sur le front. Une jeune femme écrivaine de sa descendance lui aura rendu toute son âme et aurait permis à sa mère, si elle avait été encore en vie, d’être fière de son dernier né tant aimé. Dans ce roman, Victor Hugo est cité et ces quelques vers correspondent exactement à ce que l’on ressent :

« Vous qui ne savez pas combien l’enfance est belle
Enfant ! N’enviez point notre âge de douleur,
Où le cœur est tour à tour esclave et rebelle,
 Où le rire est souvent plus triste que vos pleurs. »

 

 

Citations

 

Chez lui

Ce serait comme à la maison depuis le jour où il avait découvert que personne ne pouvait deviner ce qu’il pensait, il y avait une voix qu’il était le seul à entendre. Elle avait commencé par dire je n’aime pas le ragoût de cardes, les chardons, c’est bon pour les mulets, puis je n’aime pas les grimaces stupides de la tante Yvette, sa façon de rouler des yeux comme une chouette folle, je n’aime pas les cris de mon père, sa main qui s’abat sur qui le contrarie, qui le provoque, qui ose le contredire, je n’aime pas la peur que je vois parfois sur le visage de ma mère, je n’aime pas cet appartement où il y a du monde, tout le temps, du bruit, tout le temps, la voix avait ajouté je préfère l’école, monsieur Bensaid est plus gentil que papa, mademoiselle Rouvier est plus jolie que maman, il ne se passait rien de grave, il n’était pas puni, ça restait dans sa tête, c’était des mots de silence, il faisait ce qu’on attendait de lui, m’interrompait pas les adultes, les contredisaient encore moins, aidait sa mère à porter les paniers au marché, suivait son père et Abraham à la synagogue, faisait les mêmes gestes qu’eux, ils lui caressaient la tête parfois en disant qu’il était un bon garçon, il jouait avec la poussière qui dansait dans les rayons du soleil, s’interrogeant sur ce que l’ œil voit, mais que la main ne parvient jamais à saisir.

L’armée et la poésie

Pourtant Monsieur Baumert leur avait dit que la poésie résiste à tout, au temps, à la maladie, à la pauvreté, à la mémoire qui boîte, elle s’inscrit en nous comme une encoche que l’on aime caresser, mais les vers, ici, ne trouvent pas leur place, ils jurent avec les uniformes, sont réduits au silence par les armes et le nouveau langage aux phrases brèves et criées qui est le leur. Monsieur Baumert leur a menti, ou s’est trompé, les heures passées à mémoriser des poèmes n’ont servi qu’à obtenir de bonnes notes, et le sergent-chef se fiche de leurs notes, il aurait même tendance à humilier un peu plus ceux qu’il appelle les fortes têtes et qui était au paravent des élève studieux. Il préfère les soldats qui truffent leurs phrases de fautes, sauf ceux qui sont musulmans et qu’il appelle les bougnoules, et il les corrige en éclatant de rire, les affublant de surnoms qui le ravisse, Fatima, Bourricot, Bab-el-Oued, et quand il perçoit un rougissement déferler sous la peau brune, il pose sa main sur l’épaule du soldat humilié pour dire, je rigole, parce que je sais que tu as le sens de l’humour, tu es un bon gars, tu te bats pour la France, et la France te le rendra.

 

 

 

traduit de l’américain par Françoise Adelstain

Lu dans le cadre de :

La photo dit bien combien j’aime lire les romans d’Irvin Yalom et encore je n’ai pas retrouvé « Et Nietzsche a pleuré » qui est sans doute mon préféré. Je l’ai sans doute prêté à quelqu’un qui l’aime tant qu’il a oublié de me le rendre (ce n’est très grave mes livres sont de grands voyageurs). Alors, quand Babelio a proposé la lecture de l’autobiographie de cet auteur, je n’ai pas hésité. Et ? Je suis déçue ! l’auteur est beaucoup plus intéressant dans ses romans que lorsqu’il se raconte. Ce n’est pas si étonnant quand on y réfléchit bien : Irvin Yalom est non seulement un bon écrivain mais aussi un grand spécialiste de l’âme humaine et un psychothérapeute encore en exercice (à 85 ans !). Alors l’âme humaine, il connaît bien et la sienne en particulier, donc aucune surprise ni de grandes émotions dans cette autobiographie, il maîtrise très (trop !) bien son sujet. On a l’impression qu’il dresse entre lui et son lecteur une vitre derrière laquelle il se protège. Un peu comme ses étudiants qui regardaient ses séances de psychothérapie derrière une glace sans tain. On voit tout, mais on apprend du meneur du groupe que ce qu’il veut bien montrer de lui. Oui, il se raconte dans ce livre et pourtant on a l’impression de ne pas le connaître mieux qu’à travers ses romans. Le dernier chapitre est, peut être plus émouvant celui qu’il a nommé « l’apprenti vieillard » . Je dois dire que je me suis aussi ennuyée ferme en lisant toutes les différentes approches de la psychologie clinique. Cela plaira sans doute aux praticiens tout ce rappel historique des différents tendances des thérapies de groupes. Une dernière critique : cet auteur qui se complaît à raconter ses succès littéraires c’est vraiment étrange et assez enfantin. En résumé, j’ai envie de donner ce curieux conseil :  » Si vous aimez cet auteur ne lisez pas sa biographie, vous serez déçu par l’homme qui se cache derrière les romans que vous avez appréciés ».

Citations

Quand Irving Yalom s’auto-analyse

Avant ma rébellion de la bar-mitsvah, j’avais commencé à trouver ridicule les lois qui prescrivent de manger ceci ou cela. C’est une plaisanterie, et surtout elles m’empêchent d’être américains. Quand j’assiste à un match de base-ball avec mes copains, je n’peux pas manger un hot-dog. Même des sandwichs salades ou au fromage grillé, j’y ai pas droit, parce que mon père explique que le couteau qui sert à les découper a peut-être servi à couper un sandwich au jambon. Je proteste : »Je demanderai qu’on n’les coupe pas ! »  » Non, pense à l’assiette, dans laquelle il y a peut-être eu du jambon, répondent mon père ou ma mère. C’est pas « traif » pas « kasher ». Vous imaginez, entendre ça, docteur Yalom, quand on a treize ans ? C’est dingue ! Il y a tout l’univers, des milliards d’étoiles qui meurent et qui naissent, des catastrophes naturelles chaque minute sur terre, et mes parents qui clament que Dieu n’a rien de mieux à faire que de vérifier qu’il n’y a pas une molécule de jambon sur un couteau de snack ?

 

Un récit qui manque d’empathie

Nous avions trouvé une maison en plein centre d’Oxford, mais peu avant notre arrivée, un avion de ligne britannique s’est écrasé, tuant tous les passagers, y compris le père de la famille qui nous louait la maison. À la dernière minute, il nous a donc fallu remuer ciel et terre pour dégoter un autre logis. Faute de succès dans Oxford même, nous avons loué un charmant vieux cottage au toit de chaume à une trentaine de minutes de là, dans le petit village de Black Burton, avec un seul et unique pub !

Raconter ses succès c’est impudique et inintéressant

Le lendemain, j’ai eu une autre séance de signature dans une librairie du centre d’Athènes, Hestia Books. De toutes les séances de ce genre auxquelles j’ai participé dans ma carrière, celle-ci fut la crème de la crème. La queue devant le magasin s’allongeait sur huit cent mètres, perturbant considérablement la circulation. Les gens venaient acheter un nouveau livre et apportaient les anciens afin de les faire dédicacer, ce qui constituait une épreuve, car je ne savais pas comment écrire ces prénoms inconnus, Docia, Icanthe, Nereida, Tatiana… On demanda alors aux acheteurs d’écrire leur nom en capital sur des petits bouts de papier jaune qu’ils me tendaient avec le livre. Nombreux étaient ceux qui prenaient des photos, ralentissant ainsi la progression de la queue, on dû les prier de ne plus en prendre. Au bout d’une heure, on leur dit que je ne pourrai signer, outre celui qu’il achetait, un maximum de quatre titres par personne, puis on descendit à trois, à deux pour finir a un. Même ainsi la séance a duré quatre heures , j’ai signé plus de huit cents livres neufs et d’innombrables anciens.

Je retrouve le thérapeute que j’apprécie

Ce livre, je l’ai conçu comme une opposition à la pratique cognitivo-comportementale, rapide, obéissant à des protocoles, obéissant à des pressions d’ordre économique, et un moyen de combattre la confiance excessive des psychiatres en l’efficacité des médicaments. Ce combat se poursuit encore maintenant, malgré les preuves indéniables fournies par la recherche de la réussite d’une psychothérapie repose sur la qualité de la relation entre le patient et son thérapeute, son intensité, sa chaleur, sa sincérité. J’espère aider à la préservation d’une conception humaine et plein d’humanité des souffrances psychologiques.

La vieillesse

Enfant, j’ai toujours été le plus jeune – de ma classe, de l’équipe de Baseball, de l’équipe de tennis, de ma chambrée en camp de vacances. Aujourd’hui, où que j’aille, je suis le plus vieux, – à une conférence, au restaurant, à une lecture de livre, au cinéma, un match de Baseball. Récemment, j’ai pris la parole à un congrès de deux jours sur la formation médicale continue des psychiatres, patronné par le Département de psychiatrie de Stanford. En regardant l’auditoire de collègues venus de tout le pays, je n’ai vu que quelques types à cheveux gris, aucun à cheveux blancs. Je n’étais pas seulement le plus âgé, j’étais de loin le plus vieux.

 

Traduit de l’allemand et annoté par Élisabeth Guillot.


Les cinq coquillages veulent dire, tout simplement, qu’il faut lire ce livre car il nous en apprend tant sur une période qu’on voudrait à jamais voir bannie et fait réfléchir sur la langue du monde politique qui veut manipuler plus que convaincre. Rosa Montero dans « la folle du logis« en parlait et elle m’a rappelé que je voulais le lire depuis longtemps. À mon tour de venir conseiller cette lecture à toutes celles et tous ceux qui se posent des questions sur le nazisme en particulier sur l’antisémitisme des Allemands. Ce pays hautement civilisé qui en 1933 permit que l’on inscrive à l’entrée de l’université de Dresde où Victor Klemperer enseignait la philologie  :

« Quand le Juif écrit en allemand, il ment. »

Comment cet homme qui se sent tellement plus allemand que juif peut-il comprendre alors, qu’aucun de ses chers confrères n’enlèvent immédiatement cette pancarte ? Cet homme qui a failli laisser sa vie pour sa patrie durant la guerre 14-18 ne peut accepter le terrible malheur qui s’abat sur lui. Pour ne pas devenir fou, il essaie d’analyser en bon philologue la langue de ses bourreaux. Il cachera le mieux qu’il peut ses écrits et leur donnera une forme définitive en 1947. Comment a-t-il survécu ? contrairement à son cousin Otto le chef d’orchestre, il est resté en Allemagne, marié à une non-juive ; il a survécu tout en subissant les lois concernant les Juifs alors qu’il était baptisé depuis de longues années. La veille des bombardements de Dresde, il devait être déporté avec sa femme, les conséquences tragiques du déluge de feu qui s’est abattu sur sa ville lui ont permis de fuir en dissimulant son identité.

Son essai montre de façon très précise comment on peut déformer l’esprit d’un peuple en jouant avec la langue et en créant une pseudo-science . Il semble parfois ergoter sur certains mots qui ne nous parlent plus guère, mais ce ne sont que des détails par rapport à la portée de ce livre. Il est évident que Victor Klemperer réussit à survivre grâce à l’amour de sa femme et le dévouement d’amis dont ils parlent peu. Il est tellement choqué par la trahison des intellectuels de son pays qu’il a tendance à ne rien leur pardonner et être plus attentif aux gens simples, qu’ils jugent plus victimes du régime que bourreaux . Pour ceux qui avaient la possibilité de réfléchir, il démontre avec exactitude qu’ils ont failli à leur mission d’intellectuels. Malheureusement dans un passage dont je cite un court extrait, on voit que sa clairvoyance s’est arrêtée au nazisme et qu’il est lui-même aveuglé par l’idéologie communiste. Le livre se fait poignant lorsque Victor Klemperer se laisse aller à quelques plaintes des traitements qu’il subit quotidiennement. Que ce soit » le bon » qu’il reçoit pour aller chercher un pantalon usagé réservé aux juifs, puisqu’il ne peut plus acheter ni porter des vêtements neufs, ou le geste de violence qui le fait tomber de la plate-forme du bus, seul endroit que des juifs peuvent utiliser dans les transports en commun. Avec, au quotidien, la peur d’enfreindre une des multiples règles concernant les juifs et l’assurance, alors, d’être déporté : avoir un animal domestique, avoir des livres non réservés aux juifs, dire Mendelssohn au lieu du « juif Mendelssohn », sortir à des heures où les juifs n’ont pas le droit d’être dehors, ne pas laisser la place assez rapidement à des aryens, ne pas claironner assez fort « Le juif Klemperer » en arrivant à la Gestapo où de toutes façon il sera battu plus ou moins fortement … un véritable casse-tête qui fait de vous un sous-homme que vous le vouliez ou non.

Lors de la réflexion sur le poids des mots et des slogans en politique, j’ai pensé que nous avions fait confiance à un parti qui s’appelle « En marche », et que ces mots creux ne dévoilaient pas assez, à travers cette appellation, les intentions de ceux qui allaient nous gouverner. En période troublée, les mots comme « République » ou « Démocratie » sont sans doute plus clairs mais engagent-ils davantage ceux qui s’y réfèrent ?

Citations

Pour situer ce livre, on peut lire ceci dans la préface de Sonia Combe

À la fin de la guerre, Victor Klemperer et à double titre un survivant. Tout d’abord, bien entendu, parce qu’il a fait partie de ces quelques milliers de Juifs, restés en Allemagne, qui ont échappé à la déportation. Mais, en second lieu, parce qu’il demeure ce qu’il a toujours été, un Juif irrémédiablement allemand, un rescapé de la « symbiose judéo-allemande », de ce bref moment de l’histoire allemande qui permit la sécularisation de l’esprit juif, l’acculturation des juifs et leur appropriation de l’univers culturel allemand. Quoi qu’il en soit de la réalité de cette symbiose, aujourd’hui le plus souvent perçu comme un mythe ou l’illusion rétrospective d’une relation d’amour entre Juifs et Allemands qui ne fut jamais réciproque, Klemperer est l’héritier spirituel de cette Allemagne fantasmé et désiré – au point qu’elle restera, quoi qu’il arrive et pour toujours, sa seule patrie possible.

La mauvaise foi des scientifiques allemands de l’époque nazie

Le congrès de médecine de Wiesbaden était lamentable ! Ils rendent grâce à Hitler, solennellement et à plusieurs reprises, comme « Au Sauveur de l’Allemagne »-bien que la question raciale ne soit pas tout à fait élucidée, bien que les « étrangers » , August von Wassermann médecin allemand 1866 1925, Paul Ehrlich,médecin allemand 1854 1915 prix Nobel de médecine en 1908 et Neisser aient accompli de grandes choses. Parmi « mes camarades de race » et dans mon entourage le plus proche, il se trouve des gens pour dire que ce double « bien que » est déjà un acte de bravoure et c’est ce qu’il y a de plus lamentable dans tout cela. Non, la chose la plus lamentable entre toutes, c’est que je sois obligé de m’occuper constamment de cette folie qu’est la différence de race entre Aryens et Sémite, que je sois toujours obligé de considérer tout cet épouvantable obscurcissement et asservissement de l’Allemagne du seul point de vue de ce qui est juif. Cela m’apparaît comme une victoire que l’hitlérisme aurait remportée sur moi personnellement. Je ne veux pas la lui concéder.

L’influence Nazie dans les couches populaires.

Frieda savait que ma femme était malade et alitée. Un matin, je trouvais une grosse pomme au beau milieu de ma machine. Je levais les yeux vers le poste de Frieda et elle me fit un signe de tête. Un instant plus tard, elle se tenait à côté de moi : « pour ma petite mère, avec toutes mes amitiés ». Puis d’un air curieux et étonné, elle ajouta :  » Albert dit que votre femme est allemande. Est-elle vraiment allemande ? »
 La joie que m’avait causée la pomme s’envola aussitôt. Dans cette âme candide qui ressentait les choses de manière absolument pas nazie mais, au contraire, très humaine, s’était insinué l’élément fondamental du poison nazi ; elle identifiait  » Allemand » avec le concept magique d’  » Aryen » ; il lui semblait à peine croyable qu’une Allemande fut mariée avec moi, l’étranger, la créature appartenant à une autre branche du règne animal ; elle avait trop souvent entendu et répété des expressions comme « étrangers à l’espèce »,  » de sang allemand », « racialement inférieur », « nordique » et « souillure raciale » : sans doute n’associait-elle à tout cela aucun concept précis, mais son sentiment ne pouvait appréhender que ma femme pût être allemande.

L’auteur se pose cette question :

Mais voilà que le reproche que je m’étais fait pendant des années me revenait à l’esprit, ne surestimais-je pas, parce que cela me touchait personnellement de manière si terrible, le rôle de l’antisémitisme dans le système nazi ?
 Non, car il est à présent tout à fait manifeste qu’il constitue le centre et, à tout point de vue, le moment décisif du nazisme dans son ensemble. L’antisémitisme, c’est le sentiment profond de rancune éprouvés par le petit-bourgeois autrichien déchu qu’était Hitler ; l’antisémitisme, sur le plan politique, c’est la pensée fondamentale de son esprit étroit. L’antisémitisme, du début jusqu’à la fin, le moyen de propagande le plus efficace du Parti, c’est la concrétisation la plus puissante et la plus populaire de la doctrine raciale, oui, pour la masse allemande c’est identique au racisme. effet, que sait la masse allemande des dangers de l » negrification » (Verniggerun) et jusqu’où s’étend sa connaissance personnelle de la prétendue infériorité des peuples de l’Est et du Sud-Est ? Mais un Juif, tout le monde connaît ! Antisémitisme et doctrine raciale sont, pour la masse allemande, synonyme. Et grâce au racisme scientifique ou plutôt pseudo-scientifique, on peut fonder justifier tous les débordements et toutes les prétentions de l’orgueil nationaliste, chaque conquête, chaque tyrannie, chaque extermination de masse.

Originalité de l’antisémitisme nazie

Dans les temps anciens, sans exception, l’hostilité envers les Juifs visait uniquement celui qui était en dehors de la foi et de la société chrétienne ; l’adoption de la confession et des mœurs locales avait un effet compensateur, et (au moins pour la génération suivante) oblitérant. En transposant la différence entre Juif et non-Juifs dans le sang, l’idée de race rend tout compensation impossible, elle rend la séparation éternelle et la légitime comme œuvre de la volonté divine

Aveuglement sur le communisme

Car il est urgent que nous apprenions à connaître le véritable esprit des peuples dont nous avons été isolés pendant si longtemps, au sujet desquels on nous a menti pendant si longtemps. Et l’on ne nous a jamais menti autant que sur le peuple russe… Et rien ne nous conduit au plus près de l’âme d’un peuple que la langue… Et pourtant, il y a  » mettre au pas » et « ingénieur de l’âme » -tournures techniques l’une et l’autre. La métaphore allemande désigne l’esclavage et la métaphore russes, la liberté.

Le cogneur et le cracheur les deux hommes de la Gestapo qui ont tourmenté Klemperer pendant de longues années, ils les opposent aux intellectuels

Le cogneur et le cracheur, c’étaient des brutes primitives (bien qu’ils eussent le grade d’officier), tant qu’on ne peut pas les assommer, il faut supporter ce genre d’homme. Mais ce n’est pas la peine de se casser la tête dessus. Alors qu’un homme qui a fait des études comme cet historien de la littérature ! Et, derrière lui, je vois surgir la foule des hommes de lettres, des poètes, des journalistes, la foule des universitaires. Trahison, où que se porte le regard.
 Il y a Ulitz, qui écrit l’histoire d’un bachelier juif tourmenté et la dédie à son ami Stefan Zweig, et puis au moment de la plus grande détresse juive, voilà qu’il dresse le portrait caricatural d’un usurier juif, afin de prouver son zèle pour la tendance dominante.

Traduit par André Fayot post face de Bertrand Fillaudreau.


La lecture de ce livre de mémoires me prouve que la blogosphère a permis à mes goûts littéraires d’évoluer. J’ai pris un grand plaisir à cette lecture que je dois à Dominique ( elle même remercie Keisha). Je voulais connaître cet homme qui est considéré comme le « père des parcs nationaux aux USA » . Mes enfants y font des balades extraordinaires chaque été et leurs photos donnent envie de s’y rendre. J’ai toujours cet étonnement face à ce paradoxe, le pays le plus pollueur de la planète est aussi celui qui semble adorer le plus la nature vierge. Plusieurs lectures récentes convergent pour me donner l’impression que l’homme agriculteur est devenu le plus grand prédateur des espèces végétales et animales. Faire pousser du blé ne peut se faire qu’aux prix de souffrances infinies pour l’homme et la nature.
John Muir, les souffrances, il connaît, élevé par un père d’une rigueur qui frise le tortionnaire, il a connu les pires brimades physiques dès son enfance : coups, engelures, travaux de forçat ; il a tout accepté au nom d’un respect filial qui lui vient, on se demande pourquoi ? et comment ?
Toute son enfance, surtout son émerveillement de la nature qui s’offre à lui quand il arrive dans le Wisconsin, est très agréable à lire et on suit avec attachement les péripéties de chaque découverte qu’offrent ces lieux souvent encore vierges. La fin est beaucoup moins passionnante, il est vrai qu’il ne s’agit plus de son enfance. Cet enfant à 10 ans est capable de comprendre la trigonométrie tout seul avec des livres, à 14 ans de construire des horloges sans plan préalable, il a vraiment une intelligence totalement hors norme. Il a appris à lire et à écrire seul ou presque à 4 ans. Il parle latin et allemand. J’aurais aimé qu’il raconte mieux son adaptation au monde des adultes quand il ne vit plus sous la férule de ce père que j’ai détesté tout au long du livre.

Citations

Éducation écossaise fin du XIXe

 Je ne vois rien qui puisse me pousser aujourd’hui à concentrer plus fort mon attention que quand j’étais enfant, ce que réussissait le fouet -une gigantesque raclée le plus souvent. Les instituteurs écossais de la vieille école ne passaient pas leur temps à tenter de trouver des chemin raccourcis vers la connaissance, ni d’expérimenter les dernières trouvailles en matière de méthode psychologique, tellement en vogue de nos jours. Il n’était pas question de rendre nos bancs confortables, ni nos leçons faciles. On nous collait seulement de but en blanc devant nos livres, comme des soldats face à l’ennemi, en nous ordonnant d’un ton sans réplique : « Allez au travail ! Apprenez vos leçons ». Et à la moindre erreur, si minime fût-elle, c’était le fouet, car avait été fait cette extraordinaire découverte, aussi simple que définitive, et tellement écossaise, qu’il existait une relation directe entre la peau et la mémoire, et qu’irriter celle-là stimulait celle-ci au degré souhaité quel qu’il fût.

 Les bagarres

Quand on avait la chance de finir un combat sans un œil au beurre noir, on échappait généralement à une dégelée à la maison et une autre le lendemain matin à l’école, car les autres traces de l’échauffourée pouvaient être lavées facilement au puits près de l’église, ou bien dissimulées, ou mise au compte des aspérités du terrain ; tandis qu’un œil poché ne pouvait trouver d’autre explication qu’une bagarre en règle. La double correction en était la sanction inéluctable mais sans aucun effet  : les bagarres se continuaient sans la moindre accalmie, comme les ouragans, car aucune autre punition que la mort n’aurait pu supprimer la vieille agressivité atavique qui brûlait dans nos veines de païens, pas plus qu’on arrivait à nous faire admettre que père et maître pouvaient légitimement nous étriller aussi laborieusement pour notre bien, tout en refusant le plaisir de nous castagner les uns les autres pour le même bien.

Genre de livres où Wikipédia rend bien des services ….

Et il en allait tout de même avec les calopogons, les pogonies, les spiranthes et quantité d’autres populations végétales. Le magnifique turban de Turc ( Lilium superbum), qui croît sur les berges des cours d’eau, était rare chez nous, alors que le lis orangé poussait en abondance en terrain sec sous les chênes à gros fruits et nous rappelait bien souvent la plate-bande de tante Ray en Écosse. Grâce à ses fleurs rouge écarlate, l’asclépiade tubéreuse ou herbe à ouate attirait des volées de papillons et produisait de superbes masses de couleur.

Une éducation à la dure

 Mes aventures me remettent en mémoire l’histoire de ce garçon qui, en escaladant un arbre pour voler un nid de corbeau, tomba et se cassa la jambe, mais qui, sitôt guéri, se força à grimper jusqu’au sommet de l’arbre du haut duquel il avait culbuté.

La prégnance de la morale

 Comme à l’ensemble des petits écossais, on nous enseignait la plus stricte abnégation, à propos et hors de propos, à faire fi de la chair et à la mortifier, à veiller à garder nos corps soumis aux préceptes de la Bible et à nous punir sans merci pour toute faute commise ou simplement imaginée. Lorsque, en aidant sa sœur à ramener les vaches, un gamin usa un beau jour d’un terme défendu : « faudra que je l’dise à papa, fit la jeune fille horrifiée. J’le lui dirai, qu’t’as dit un vilain mot…
-J’ai pas pu l’empêcher d’me v’nir répondit l’enfant par manière d’excuse. C’est pas pire de le dire tout haut que de l’ penser tout bas ! »

Après avoir décrit le Wisconsin comme le paradis des oiseaux , il décrit cette scène horrible (cette espèce de pigeons a complètement disparu, on comprend pourquoi !)

Les pigeons, à ce moment-là, étaient rares un grand nombre de personnes, équipées de chevaux et de chariot, et armées de fusil, de longues perches, de pots à soufre, torches de poix, etc, avaient déjà planté leur camp sur le pourtour deux fermiers installés à plus de cent milles de là avaient amené quelques trois cents porcs pour les faire engraisser sur les pigeons massacrés. Un peu partout, des gens employés à plumer et à saler ce qui avait déjà été mis de côté étaient assis au milieu de monceaux d’oiseaux. La terre était couverte d’une couche de fiente de plusieurs pouces d’épaisseur. Quantité d’arbre de deux pieds de diamètre étaient brisés guère au-dessus du sol, et les branches de beaucoup d’autres parmi les plus hauts et les plus étendus avaient cédé, comme si un ouragan avait balayé la forêt.
Au coucher de soleil, pas un pigeon n’était encore arrivé. Mais un cri général s’éleva tout à coup :  » Les voilà ! ». Ils étaient encore loin, mais le bruit qu’ils faisaient me rappelait, en mer, un violent coup de vent qui passe à travers les gréements d’un navire dont on a serré les voiles. Des milliers furent bientôt abattus à coups de perche, mais les oiseaux ne cessaient pas pour autant d’affluer. Puis les feux s’allumèrent et un tableau aussi terrifiant que superbe se mit en place. Les pigeons qui se déversaient à flots se posaient partout, les uns sur les autres, si bien qu’il se formait des masses compactes sur toutes les branches. Ça et là des perchoirs roulaient avec fracas, et, dans leur chute en abattaient des centaines d’autres, précipitant les groupes extrêmement serrés d’oiseaux dont étaient chargé le moindre rameau, spectacle de conflit et de tumulte. Je m’aperçus qu’il était parfaitement inutile de parler ou même de crier au gens qui m’entouraient. Les coups de fusil, on les entendait rarement, et ce n’est qu’en voyant les hommes recharger leurs armes que je comprenais qu’ils avaient tiré. Personne n’osait s’aventurer à l’intérieur du périmètre du carnage. On avait parqué les cochons en temps utile, le ramassage des morts et de blessés étant remis au lendemain matin. Les pigeons affluaient toujours, et ce ne fut qu’après minuit que je perçus une diminution du nombre des arrivants. Le vacarme dura toute la nuit.
Vers les premières lueurs du jour, le bruit s’atténua quelque peu ; longtemps avant qu’on pût distinguer les formes, les pigeons commencèrent à s’en aller dans une direction différente de celle où ils étaient venus la veille, de sorte que quand le soleil se leva tout ce qui était capable de voler avait disparu. Ce fut alors le hurlement des loups qui se fit entendre, et l’on vit arriver furtivement renards, lynx, couguar, ours,raton laveur, opossum et putois, tandis que des aigles des éperviers de différentes espèces, accompagnés d’une armée de vautour, approchaient pour tenter de les évincer et d’avoir leur part de butin.
Les auteurs du carnage se mirent alors à avancer parmi les morts, les mourants et les mutilés et à ramasser les pigeons et aller mettre en tas, ce jusqu’à ce que chacun ait autant qu’il voulait, après quoi les cochons furent laisser libres de dévorer les restants.

L’inconfort total

 Dans toute la maison, il n’y avait en fait de feu que le fourneau de la cuisine, avec son foyer de cinquante centimètres de long sur vingt cinq de large et autant de haut – à peine de quoi y mettre trois ou quatre petites bûches-, autour duquel, lorsqu’il faisait – 20 dehors, les dix personnes que nous étions dans la famille grelottaient, et sous lequel nous trouvions, le matin, nos chaussettes et nos grosses bottes imprégnées d’eau gelée en bloc. Et nous n’avions pas même le droit de ranimer ce misérable petit feu dans sa boîte noire pour les dégeler. Non, nous devions y comprimer nos pieds endoloris et tout palpitant d’engelures, au prix de douleurs pires qu’une rage de dent, et filer au travail.

Je crois relire homo sapiens : le malheur de la révolution agricole

Dans ces temps reculés, longtemps avant l’arrivée des machines qui nous épargnent tant de peine, tout (ou presque) ce qui touchait à la culture du blé imposait des travaux éreintant – faucher sous la chaleur des longues journées de la canicule, râteler et lier des gerbes, faire les meules et battre le grain -, et je me disais bien souvent que la façon brutale, frénétique, que nous avions de faire sortir le grain de terre ressemblait trop à une excavation de tombes.

J’ai lu les deux romans à la suite, je les fais paraître donc le même jour sur Luocine. J’aime cet auteur je connais bien le monde dont il parle et j’ai l’impression que beaucoup de gens peuvent dire cela de lui.

Dans un style léger, Jean-Philippe Blondel se raconte, pour un pudique c’est une entreprise risquée, il parvient grâce à l’humour et à la connivence qu’il installe entre nous et ses souvenirs à ne jamais tomber dans le voyeurisme. Chaque chapitre est l’occasion de se souvenir d’une chanson et je conseille de lire ce livre avec « Youtube », c’est drôle de faire revenir de la musique des limbes du monde des souvenirs. Dieu que les ado aiment des chansons stupides et seulement braillardes le plus souvent ! Je ne peux pas dire que j’ai été complètement séduite par ce livre, mais je suis en partie responsable, il ne faut jamais lire aussi rapidement deux livres du même auteur surtout après avoir aimé le premier.
Les émois de l’ado ressemblent à tellement de mauvais films que malgré le réel talent de l’auteur on a souvent l’impression d’être dans le cliché.

Citations

La boum dans les locaux de l’église à lire en écoutant ti amo » de Umberto Tozzi

Vers quatre heures de l’après-midi, frère Damien vient partager quelques mots de foi avec nous. Nous avons tiré les rideaux pour être dans l’obscurité totale. Les slows s’enchaînaient les uns aux autres. Il n’y a plus que des couples. On ne reconnaît personne. Nous n’avons pas touché aux gâteaux au yaourt fait dans les Tupperware. Frère Damien est blême-il bredouille « mais qu’est-ce que vous faites ? »
Un partage frère Damien
Un partage.

Une remarque sur les objets

C’est curieux comme les objets traversent les âges, au bout d’un certain temps, on ne sait plus quand on les a achetés, on sait seulement qu’ils nous accompagnent silencieusement, jusqu’au moment où, sans raison particulière, on s’agace ;, j’en assez de ce fauteuil vert, c’est quand le prochain vide grenier ?

La paternité

Il est quatre heures du matin, je tourne dans la cuisine avec le porte-bébé en marquant bien le tempo avec mes pieds ; Grégoire s’est réveillé environ trois fois dans la nuit -la dernière fois, c’était il y a une heure et il n’est pas parvenu à se rendormir. Alors, j’ai fait ce qui marche à chaque fois. Porte-bébé, veilleuse dans la cuisine, et la seule chanson qui le calme -un chanteur à peine sorti de l’adolescence, avec une capuche sur la tête, qui bouge dans tous les sens et déchaîne l’hystérie des quatorze quinze ans. « Keep on trackin’me ». J’ai trente sept ans, je suis fatigué, je voudrais dormir, mais si je m’arrête de chanter et de danser, Grégoire se réveillera et se mettra à hurler -j’en ai déjà fait l’expérience.
Alors, je bouge dans la cuisine.
Allez, bouge -tourne- et chante.
Et n’oublie pas que dans quatre heures, il faudra aller au boulot.

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard (thème exil)

Une femme d’origine géorgienne, Tamouna, va fêter ses 90 ans, elle a fui à 15 ans avec sa famille son pays natal en 1921. Atteinte aujourd’hui d’une maladie pulmonaire, elle ne peut vivre sans oxygène, sa vie est donc limitée à son appartement et aux visites de sa nombreuse et pétulante famille. Par bribes les souvenirs vont arriver dans son cerveau un peu embrumé. Sa petite fille qui doit ressembler très fort à Kéthévane Dawrichewi, l’oblige à regarder toutes les photos que la famille conserve pieusement. Bébia et Babou les grands parents sont là enfouis dans sa mémoire un peu effacés comme ces photos jaunies. Et puis surtout, il y a Tamaz celui qu’elle a tant aimé et qui n’a jamais réussi à la rejoindre à travers les chemins de l’exil. Ce livre m’a permis de rechercher le passé de la Géorgie qui a en effet connu 2 ans d’indépendance avant de tomber sous la main de fer de Staline. Ce n’est pas un mince problème pour un si petit pays que d’avoir le grand frère russe juste à ses frontières et encore aujourd’hui, c’est très compliqué. Mais plus que la réalité politique ce livre permet de vivre avec la minorité géorgienne en France, connaître leurs difficultés d’adaptation économiques, le succès intellectuel des petits enfants, les peurs des enfants qui attendent leur père parti combattre les soviétiques alors que la cause était déjà perdue,la honte d’avoir un oncle parti combattre l’armée russe sous l’uniforme nazi . Tous ces souvenirs sont là dans sa tête et dans cet appartement qu’elle ne quitte plus. Je suis toujours très sensible au charme de cette auteure, elle reste toujours légère même dans des sujets graves et j’ai aimé qu’elle partage avec des lecteurs français ses origines et sa famille.

Citations

Pudeur du récit

Le chien est resté en Géorgie. avec ses grands parents. Elle ne les a jamais revus. Aucun des trois. Elle ignore la date exacte de leurs morts.

Le géorgien avant 1918

Nous parlons géorgien entre nous. C’est la langue de la famille. Celle des vacances. À l’école, on doit parler le russe. C’est la règle. Le géorgien est une langue de chien, dit notre maître. Toute tentative de braver l’interdit est sévèrement punie.

Solidarité des exilés

Il vient du Maroc, il était cuisinier au palais du roi avant de venir en France, il évoque souvent l’exil et la famille qu’il a laissée derrière lui. Elle écoute, elle le force parfois à dire les mauvais traitements qu’il a subis au palais . Il le dit par bribes avec réticence. elle se reproche ensuite son insistance. elle-même ne parle jamais des raisons de son exil.

Les peurs des enfants

De nouveaux émigrés sont arrivés, mon père n’est pas revenu, nous ne savons pas ce qui lui est arrivé. Il a peut-être été déporté, je crois que c’est le sort des opposante. Ou bien il est mort. Je dois te paraître cynique . Je te choque sans doute. Mais je meurs des mots que personne ne prononce.

 

 

Un livre vite lu et certainement vite oublié, je ne comprends absolument pas pourquoi cette auteure mêle sa vie sentimentale à ce récit. J’ai essayé de comprendre, puis j’ai lu en diagonal son histoire d’amour torride avec « P » le séducteur. En revanche, j’ai bien aimé la description de sa famille pied-noir. Le portrait de sa grand-mère est criant de vérité. Cette femme si digne , aux cheveux colorés et permanentés, au visage parfaitement maquillé a raconté à sa petite fille ses souvenirs de « là-bas₩ » c’est à dire de son Algérie natale qui n’a vraiment rien à voir avec le « crime contre l’humanité » dont à parlé un politique. Les Montaya sont des Espagnols pauvres qui ont réussi à fertiliser un bout de terre très aride de la campagne oranaise : Misserghin. Toute la famille a vécu dans le souvenir de ce lieu, et l’auteure décide son père à retourner en Algérie. Elle ne sait pas si elle a raison de l’y entraîner, finalement, il l’en remerciera. Dès que son père s’est retrouvé sur les lieux de son enfance, il s’est senti beaucoup plus à l’aise qu’en France où il a toujours été un homme timide et réservé. Les liens entre l’Algérie et la France, à travers les rencontres que le père et sa fille sont amenés à faire avec des algériens de toutes le générations sont décrits de façons sincères et subtiles cela montre que nous sommes bien loin des déclarations simplistes et polémiques des politiques sur ce sujet.

 

Citations

La mémoire de mon père m’impressionne. Celle d’Amin, me stupéfie. Ce n’est pas celle d’un garçons d’une trentaine d’années qui aime avant tout s’amuser et dont le caractère a priori joyeux n’a rien de nostalgique. En aucun cas il ne peut s’agir de ses propres souvenirs, on les lui a transmis. Il a reçu l’Algérie française en héritage, comme moi.