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Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

4
Je me demande si le nom de l’expédition Donner a été le départ de l’inspiration de ce beau livre de Chris Donner. Puisqu’il situe son livre à Reno tout près du lac Donner. Cette expédition a existé, 81 personnes ont voulu trouver une route plus rapide entre l’Utah et le Nevada, 36 personnes sont mortes de faim et on a parlé de cannibalisme à propos des survivants.

L’histoire de ce roman-ado que beaucoup de personnes plus âgées auront grand plaisir à lire se présente comme un conte moderne. Un jeune qui, comme par hasard, s’appelle David est doué naturellement pour le dessin, tout ce qu’il entreprend devient une merveille de reproduction de la réalité ; oui mais voilà dans son école d’art cela n’a plus aucune valeur. Sauf aux yeux d’un vieux professeur fou de la renaissance italienne. Plus le jeune David est mis en valeur pour ses dons académiques plus il est mis à l’écart de l’école qui est de plus en plus sous la coupe du représentant de l’art contemporain. C’est mon seul reproche la vision de l’art contemporain est caricatural.

Le livre pourtant pose une très bonne question que faire d’un don de dessinateur à notre époque. Et cette question lui est finalement posée par l’enseignant académique. Veut-il comme tant d’autres dessiner des portraits à la sortie des musées pour 5 dollars ? David qui est un peu angélique sur les bords, veut faire des enfants avec la femme qu’il aime et pas du tout devenir artiste, il ne se sent pas artiste et a bien du mal à l’expliquer à son père qui est si fier de lui.

Un très bon roman qui fera réfléchir les ados et les anciens ados !

Citation

Je connais quelqu’un d’autre comme ça

J’aurais dû faire ce dessin la veille, mais j’étais un élève paresseux et sujet à la procrastination, d’après les commentaires de mes précédents bulletins scolaires.

L’adieu du professeur académique

Vous dessinez comme un Dieu, vous le savez, je vous l’ai dit. Trop. Et maintenant , je veux vous dire une chose, il faut que vous sachiez que ça ne vous servira à rien. Il y a encore un siècle, vous auriez triomphé partout, mais aujourd’hui dans le monde de l’art, il n’y a pas de place pour des garçons comme vous. C’est fini. J’ai essayé d’expliquer ça à votre père plusieurs fois. Il ne peut pas le comprendre. Il voit ce que vous faites et il se dit : »Mon fils est un génie », et il a raison. Mais c’est quoi un génie malheureux, un génie au chômage, un génie dont personne n’achète les œuvres ? C’est juste un futur clochard. Je n’ai pas envie de vous retrouver un jour à la sortie d’un musée en train de faire le portrait à des touristes pour cinq dollars.

Les projets d’art contemporain

Et le défilé des projets continua, tous pleins d’invention, d’imagination, de mo-der-ni-té. C’est celui de Catherine Donkins qui produisit la plus forte sensation : elle proposait de déféquer dans une boîte de fer-blanc, genre boîte de conserve, qu’elle scellerait selon la méthode que son père utilisait dans son usine de conditionnement de corned-beef. Elle avait déjà dessiné l’étiquette sur laquelle on pouvait lire : »Merde d’artiste » ; Dissimulant son dégoût derrière un sourire d’une fausseté patente, Mr Deems accepta le projet de Catherine , tout en lui rappelant que l’exploit avait déjà été réalisé par Piero Manzoni en 1961. Catherine le savait , mais argumenta qu’aucune artiste femme ne l’avait encore fait.
– Il fallait y penser, dit Mr Deems.

On en parle

Beaucoup d’avis positifs chez Babelio.

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Traduit de l’hébreu par Rosie Pinhas-Delpuech.

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

4
Superbe BD et excellent moment de lecture. Comme je suis déçue que cette BD n’ait pas reçu un coup de cœur ! Malheureusement, je ne l’avais pas encore lue et je n’ai pas pu la défendre.

Les personnages sont très proches de la réalité et si j’aime cette BD ou roman graphique, c’est que le dessin est indispensable à la qualité du récit. La grand-mère juive est drôle et tellement vraie ses expressions de visages en disent plus que de longues pages de romans. Dès les premiers instant, on comprend sa personnalité lorsqu’elle ne veut pas jeter sa bouteille d’eau au contrôle avant de prendre l’avion. Elle préfèrera boire un litre et demi d’eau plutôt que de la jeter, quand on connaît le confort des toilettes dans l’avion, c’est un acte de pur inconscience ou d’héroïsme. Sa petite fille est une jeune israélienne de son époque qui n’a pas l’habitude de se laisser dicter sa conduite. Avec sa grand-mère, elles sont venues voir s’il était possible de récupérer des biens en Pologne.

L’histoire aurait pu être tragique, elle est surprenante et dépeint très bien les mémoires des personnes très âgées. Les secrets de famille qui n’en sont pas vraiment ont pesé lourd dans le passé de cette vieille grand-mère. Son voyage n’avait pas le but que l’on croyait mais il était indispensable qu’elle revienne à Varsovie. La façon dont cette BD nous fait découvrir Varsovie est originale et très vivante. Les jeunesse juive doit se retrouver à 100 % dans l’œuvre de Rutu Modan.

Mieux qu’un long roman, cette BD nous dit beaucoup sur l’amour et le poids des souvenirs douloureux sans jamais tomber dans le pathos. Un superbe exemple de l’humour juif.

Citation

Je l’ai fait pour agacer Tzilla. La seule chose que les juifs aiment plus que l’argent, c’est la provocation.

On en parle

chez Keisha et Aifelle

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4
J’ai reçu beaucoup de livres pour mon anniversaire, celui-ci, je le dois à mon fils. C’est un livre étonnant, à la fois drôle et tragique comme doit l’être la vie des Africains à Paris. « Debout-payé » c’est le nom que l’on donne aux vigiles en africo-français. Quelle inventivité dans la langue ! un sens de la formule que j’avais déjà trouvé chez Alain Mabanckou. Le roman est divisé en deux parties. Une première partie constituée par les remarques et observations quasi scientifiques (au moins dans la forme !) des vigiles à l’entrée des magasins surtout de Sephora ; et une seconde par les récits de Ferdinand, Kassoum et Ossiri trois Ivoiriens qui nous font découvrir leur passé et leur façon de vivre en France.

Être vigile (donc noir dans 90 % des cas) développe un sens aiguë de l’observation, notre société vue à travers le regard des vigiles est pour le moins étonnante quand elle ne vous fait pas éclater de rire. Toutes les nationalités qui se pressent dans les enseignes des Champs Élysées ont leurs façons de se comporter dans les temples de la société de consommation. Toutes les femmes se pâment devant le « numéro 5 » de Chanel qu’il faut donc protéger des mains trop baladeuses et éviter que les flacons se retrouvent dans les endroits les plus insolites sans passer aux caisses. Un vigile voit tout mais pas particulièrement les vols contre lesquels il est très impuissant, il remarque donc : les modes vestimentaires, les inscriptions sur les tee-shirt, les types physiques selon les origines et les réactions de chacun face au bip bip du portail qui annonce que vous êtes sorti sans payer un article… Et quand il a de l’esprit, il nous fait souvent sourire. Il voit aussi comment est organisé le magasin, et malheureusement pour lui, il entend à longueur de journée une musique insipide. J’ai eu envie de noter toutes ses remarques tant elles étaient pleine d’humour.

Et puis l’autre partie du livre raconte la vie de ces vigiles africains dans ce qui reste des cités étudiantes ivoiriennes où on loue une place pour s’allonger une partie de la nuit à celui qui a sous-loué une partie de la chambre au locataire. On découvre des personnalités étonnantes au passé très divers. Et un mode de vie en marge de notre société que l’on peut deviner sans la connaître vraiment quand on passe dans certains quartiers de Paris. Rien n’est facile et la lutte pour faire sa place et survivre n’est pas simple. Le regard sur la population africaine à Paris est vraiment passionnante , un regard drôle et plein de moqueries.

Ce livre est important pour comprendre la présence africaine en France, ce n’est pas le sujet mais on se demande pourquoi les Ivoiriens se donnent tant de mal pour venir en France alors qu’ils y vivent dans des conditions si difficiles. On a l’impression que rien ne peut les empêcher de venir alors que pour certains, ils avaient plutôt une bonne profession dans leur pays. Et le plus important, après avoir lu « Debout-payé » on regarde, enfin, les vigiles comme des êtres humains.

Citations

Difficulté de devenir vigile

Nom, prénom, sexe, daté et lieu de naissance, situation matrimoniale, numéro de sécurité sociale. Etc. Ce sera l’épreuve la plus exigeante de la matinée.

Sens de l’observation

En Chine, il paraît que le mot « fesse  » n’existe pas. Là – bas, on dit « bas du dos » . On ne peut inventer un mot pour une partie du corps qui n’existe pas.

Remarque pertinente

CHINOIS. Avec la quantité énorme d’habits fabriqués au pays de Mao, on peut dire qu’un Chinois dans un magasin de fringues, c’est un retour à l’envoyeur

Présence du voile

En trois heures de vacation, le vigile a compté plus de femmes voilées dans Sephora qu’en six mois dans tout Belleville.

La religion qui unit toutes les femmes

Sephora est la Mecque et le stand de Christian Dior, la Kaaba autour de laquelle tournent les femmes , arabes ou non, voilées ou pas, au nom du saint parfum.

Le petit clin d’œil au « fessologue » d’Alain Mabanckou

Bien qu’on puisse en dégager quelques grands groupes, la forme des fesses est aussi unique qu’une empreinte digitale. Quand le vigile se met à penser à ce qui se passerait dans les commissariat si c’était ce système d’identification qui avait été choisi par les pouvoirs publics.

La militante africaine, fière de son continent

Comprenez bien les enfants, on ne peut pas être indépendants quand même ce qu’on mange vient de qui nous aliènent.Une grande partie de la richesse nationale retourne en occident par l’achat des tonnes de blé dont nous avons besoin pour satisfaire le caprice du pain. Comprenez bien les enfants, le pain est un caprice alimentaire, un complexe alimentaire, un mimétisme alimentaire, un traumatisme alimentaire. Le pain est tout ce que vous voulez sauf une denrée de subsistance pour nous . On n’est pas au Sahara. ici si tu jettes n’importe quelle graine par terre et sans même te baisser une seule fois dessus, elle devient un baobab en six mois ! Imaginez tout ce qu’on pourrait faire avec tout l’argent du blé qu’on donne à des paysans blancs.

On en parle

Deux blogs trouvés chez Babelio : Fils de lecture et Ollie. Et Jérôme

les supremes

Traduit de l’américain par Cloé Tralci avec la collaboration d’Emmanuel et de Philippe Aronson.

4

En bateau, lire n’est pas toujours facile, entre les manœuvres et le mal de mer, le temps de la navigation est plus propice aux beaux paysages qu’à la lecture. Heureusement, en octobre , les jours sont courts et les escales assez longues pour profiter d’un bon roman. J’avais choisi celui-ci à la médiathèque, car j’avais lu sur mes blogs amis des critiques positives. Le moins que je puisse dire, c’est que je ne regrette pas mon choix.

Le début est déroutant, car on passe de l’une à l’autre des trois amies et l’on doit faire un effort pour savoir qui est « je ». Odette qui comme sa mère converse avec les fantômes et qui devra lutter contre le cancer ou Barbara-Jean qui noie dans l’alcool ses drames trop violents pour une femme , même si elle est la plus belle de la ville ou Clarice mariée au trop beau Richmond. Mais peu à peu se dessine la vie de ces femmes . Plus que l’intrigue quelque peu romanesque, c’est la description de l’amitié de ces trois femmes qui m’a fait adorer ce roman, et puis, j’ai souri souvent et ri parfois.

Le mariage de la fille de Veronica qui devait être l’événement le plus sensationnel de l’année restera dans tous le souvenirs mais sans doute pas pour les raisons qui ont fait dépenser des fortunes aux parents de la mariée.Les différences entre les différentes églises m’ont amusée et l’épisode de la prostituée qui croit avoir entendu le seigneur lui parler est un bon moment .La vie à Plainvieuw tourne autour des églises et du café restaurant de Little Earl où se retrouvent les trois suprêmes avec leur mari. Et inénarrable Minnie qui prédit l’avenir se trompe tout le temps et d’un égoïsme à toute épreuve. La façon dont elle annonce la mort de son mari aux enfants de celui-ci est absolument inoubliable. Les langues vont bon train dans ce café et les scènes souvent cocasses se suivent , le rire n’est jamais très loin des larmes. C’est une peinture réconfortante pleine d’humanisme , peut être trop de bons sentiments, mais ça ne m’a pas gêné.

J’ai aimé lire que si Edward Kesley Moore avait écrit ce roman c’est qu’il ne retrouvait pas dans la littérature Nord-américaine le caractère des femmes qui l’avaient élevé. Si les femmes qu’il a connues ressemblent à celles de ce roman , je trouve qu’il a bien de la chance , et qu’être noir aux USA , n’est donc pas synonyme de malheur.Depuis la présidence d’Obama on s’en doutait un peu.

Citation

Un portrait de Jésus à vous faire aimer les églises

Ce qui est frappant dans cette fresque, c’est le portrait de Jésus – le plus sexy que j’ai jamais vu. Il a les pommettes saillantes, et des cheveux de jais bouclés. Ses bras bronzés et musclés se tendent vers vous, et il a le ventre aussi ferme que celui des mannequins brésiliens qui posent en sous – vêtements dans les publicités. Sa bouche semble souffler des baisers vers l’assemblée, et sa couronne d’épines légèrement penchées sur le côté Lui donne un air décontracté à la Frank Sinatra.

L’humour et l’amitié

Clarice farfouillait dans la commode de sa meilleure amie à la recherche d’un truc pour embellir, voire dissimuler la robe hideuse qu Odette ne manquerait pas de porter ce soir – là. La grand – mère aveugle qui avait confectionne tous ses vêtements quand elle était petite avait beau être morte , son sens du style perdurait dans les tristes placards de sa petite fille.

Un sourire qui m’a rappelé celui de Madame Verdurin

Florence souriait également, même si avec elle il était toujours difficile d’en avoir la certitude. Depuis des années, elle arborait une expression grimaçante qui relevait d’avantage du dégoût que de la joie . Chez elle, les zygomatiques étaient atrophiés depuis longtemps. Quoi qu’il en soit, son rictus habituel paraissant moins agonisant ce jour là.

On en parle

Les fanas de livres (qui a plus de réserves que moi) Audouchoc qui n’a pas aimé, Cathulu qui a aimé autant que moi.

Écoutez « Les Suprêmes »

https://www.youtube.com/watch?v=izzKUoxL11E

U9782330051228Traduit du chinois par Angel PINO et Shao BAOQING.
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard.

4Très joli roman qui permet un voyage dans la Chine d’aujourd’hui et d’autrefois et dans l’âme d’une femme d’une belle et riche personnalité. Mingli, 40 ans, n’a plus de nouvelles de sa fille Rongrong, et elle sait, elle le ressent au plus profond d’elle même que ce n’est pas normal. C’est une femme consciencieuse chercheuse dans un laboratoire médical, appréciée de tous. Elle n’a pas l’habitude d’imposer sa volonté, mais pourtant rien ne la fera reculer, elle doit savoir ce qui est arrivé à Ronrong. Elle le doit au nom de ses engagements du passé : son amitié avec la mère de Rongrong qui a sombré dans la démence.

Elle va donc être confrontée à la Chine « communo-capitaliste », et refait un parcours sur ce qui a été sa vie. « Les Sentinelles des blés », c’est un hybride de blé , découvert par son père un grand savant dont la mort est tout un symbole : il était parti chercher des livres importants pour lui, à son retour il est tombé dans les égouts dont un voleur avait, entre temps, volé la plaque qui les obturait.. Les souvenirs des Sentinelles des blés reviennent dans le roman, comme des moments de pureté dans un pays où la corruption atteint à peu près toutes les couches de la société. Même son mari qui l’aime bien, et qui ne pensait pas qu’elle puisse avoir une volonté autre que la sienne touche des petits pots de vin en utilisant les qualités de chercheuse de sa femme.

Un beau voyage , d’une rare émotion.

Citations

Une femme qui ne sait pas s’imposer

Or Yu Shijie refuse de m’entendre. Il voudrait que je sois une femme ouverte. Certes, mais ne le suis – je pas déjà ? Petit à petit, entre nous deux, un pli a été pris, qui fait que, depuis des années, chaque fois que je m’exprime ou que j’agis selon mes sentiments, il s’empare du problème et le dissèque en deux temps trois mouvements, comme un boucher qui manipule une carcasse de porc. L’animal est suspendu à un croc, et la moindre partie de son corps s’offre à la vue:la viande, les os, les tripes, tout est clair et net. Mais moi , je ne ressens plus rien, j’en oublie même ce que j’avais voulu dire au départ.

Traduit de l’allemand par Pierre MALHERBET

Une bonne pioche chez Dominique.

4Je pense que c’est l’aspect documentaire qui a forcé ma réticence à lire des romans policiers. J’ai souvent du mal avec le suspens, j’avoue que je commence souvent les romans par la fin, pour ne pas attendre un dénouement et me consacrer uniquement à l’écriture. Ici, ce n’est pas la peine puisque la scène de meurtre commence le roman. Il reste le mobile et les raisons pour lesquelles le meurtrier ou l’assassin ,nuance juridique importante pour le coupable , a tué de façon aussi brutale Hans Meyer , respectable industriel.

C’est l’intérêt du roman et de façon très précise et très bien documenté , le lecteur comprend à la fois le système judiciaire allemand et sa difficulté à juger son passé nazi. Sans aucun pathos , on est saisi d’effroi par les malheurs de Fabrizio Collini. Il était bien évident qu’il ne pouvait s’agir d’un crime gratuit mais on prend conscience qu’un appareil judiciaire injuste peut pousser un homme à la vengeance.

 

J’ai été très sensible également aux deux vies de la victime : le commandant SS Hans Meyer et le gentil grand père qui faisait le bonheur de ses petits enfants. Je me souviens de l’interrogation des membres de ma famille qui avait connu la guerre, face aux touristes allemands du même âge qu’eux : comment faisaient-ils pour revenir en France ?

 

Et jamais, je n’ai reconnu dans la gentillesse allemande des touristes comme des familles de nos correspondants l’image des nazis massacrant des gens sans défense. Un livre écrit au plus près de la vérité, sans se perdre dans des considérations psychologiques et incroyablement efficace.

 Citations

L’humain

J’ai maintenant soixante quatre ans et, de toute ma vie , je n’ai rencontré que deux honnêtes hommes. L’un est mort depuis dix ans,l’autre est moine dans un monastère français. Croyez-moi, Leinen, les gens ne sont pas noirs ou blancs… ils sont gris.

 Vocation

Il avait toujours voulu être avocat. Il avait été stagiaire dans l’un des plus gros cabinets d’affaires. Dans la semaine qui suivit ses examens, il fut convoqué à quatre entretiens;tous,il les déclina. Leinen ne voulait pas travailler dans ces cabinets de huit cents collaborateurs. Les jeunes diplômés y avaient l’air de banquiers, ils avaient réussi leurs examens haut la main, achetaient des voitures au-dessus de leurs moyens, et on tenait pour le meilleur d’entre eux celui qui avait facturé le plus d’heures à ses clients au cours de la semaine écoulée. Les associés de telles sociétés en étaient tous à leur second mariage, ils portaient des pull-overs en cachemire jaune et des pantalons à carreaux le week-end. Leur univers était constitué de chiffres,de postes à des conseils d’administration, d’un contrat de conseils auprès du gouvernement fédéral et d’une suite infinie de salles de conférence, de lounges d’aéroport, de réceptions d’hôtel. Pour tous ces gens ,la plus grande catastrophe était qu’une affaire atterrît devant un tribunal ; les juges représentaient un risque. Mais c’était précisément ce que voulait Caspar Leinen : passer sa robe et défendre ses mandants. Son heure était enfin venue.

 

 

 

4 J’ai passé une excellente soirée au cinéma grâce à Jean Becker. Les acteurs sont excellents, Gérard Lanvin joue un rôle de grincheux qui lui va comme un gant. Si vous voulez vous détendre n’hésitez pas un instant , cela m’étonnerait que vous soyez déçus. Bien sûr ce n’est pas le chef d’œuvre du siècle, mais c’est un film sympathique qui fait du bien.

Je n’ai qu’une réserve, le personnage du kiné me semble trop caricatural. C’est bien l’esprit, mais pas la manière , du moins à ma connaissance. Je trouve que dans une époque morose, sourire et parfois rire ça fait un bien fou. Peut-être, certains reprocheront-ils les « Happy-end », mais il y a des moments où on souhaite de toutes ses forces que les rapports entre les gens fonctionnent un peu comme ça !

Bande annonce

Si vous êtes comme moi ne la regardez pas : je préfère ne pas regarder les bandes annonces, elles dévoilent trop de choses sur le film :

4
Soutenue par toutes les impressions positives glanées dans les différents blogs , je voulais absolument lire cette bande dessinée. Je savais que cet auteur de BD me plairait depuis la sortie des « Ignorants » qui m’avait également enchantée.


J’explique ce qui me fait aimer une BD, moi qui suis de la religion du texte sous la forme de livres : j’ai besoin d’éprouver que le dessin sert mieux le récit de l’auteur que le texte. Je n’ai pas besoin que l’auteur illustre son propos mais que je ressente que, sans le dessin, il n’exprimerait pas la totalité de ce qu’il veut nous dire. Il y a deux moments dans cette BD qui sont caractéristiques de cela : quand la famille présente le tableau de l’arrière grand père, le fameux « Chien qui louche ».

Citation

L’expression du visage du personnage principal qui pense en même temps

« Mon dieu ! Quelle horreur ! »

« Mais comment le leur dire sans me fâcher définitivement avec la famille de celle que j’aime ! »

« Mais ce n’est pas possible , qu’est ce que je peux dire ? »

Trois phrase pour un dessin beaucoup plus efficace. Finalement il va dire quelque chose qui m’a fait éclater de rire. Je ne l’écris pas car je déflorerai l’effet. L’autre exemple tout simple , c’est la tête que fait le personnage dans le métro bondé quand son nez est à la hauteur d’une aisselle mal lavée appartenant à un personnage jovial qui discute avec son amie sans se douter de rien. Scène si banale et si bien croquée , aucun texte ne peut la rendre aussi bien que ce dessin. Sinon , l’histoire est bien menée , les personnages de fiction crédibles et tout à fait dans notre époque .

Une BD, c’est aussi un brin d’érotisme , je vous laisse à la découverte des plus belles fesses du Louvre que je me promets bien d’aller voir.

 On en parle

Les blogs qui en parlent sont nombreux : Hélène et Jérôme mais d’autres aussi

4Un livre très intéressant sur un sujet contemporain : La douleur d’une famille estonienne. L’Estonie a été traversée par l’occupation soviétique, nazie puis à nouveau soviétique. On peut facilement imaginer les différentes strates de souffrances que de telles tragédies peuvent laisser dans une famille.

Le roman nous permet de comprendre le drame de ce pays tout en suivant le destin d’une jeune femme qui cherche à se libérer du poids du passé familial. Ce roman est à deux voix , celle de la jeune femme vivant en France confrontée à la mort d’une grand mère toute puissante et détentrice de la cohésion familiale. Et celle d’une femme du goulag condamnée à 20 ans dans un camps de Sibérie qui demande sans cesse des nouvelles de son petit garçon laissée à la garde de cette grand-mère.

Tout de suite on soupçonne , cet enfant d’être le père de la jeune fille , mais est ce la vérité ? Où est-elle d’ailleurs la vérité et à qui fait-elle du bien ? Le roman ne donne pas la clé , on aimerait que cette jeune femme se lance dans la vie, mais le passé estonien lui colle à la peau et envahit ses rêves en les transformant en cauchemars. C’est un beau et triste roman, écrit d’un façon très lyrique , j ai beaucoup aimé la langue de cette jeune écrivaine . Je lui trouve une forme d’exotisme très agréable à lire.

 Citations

J’ai aimé, pour des raisons toutes personnelles, ce passage

Une maison en désordre est une maison qui vit. Peu après avoir signé le registre des mariages, Kersti découvrit que prendre un époux équivalait à s’enterrer vivante. L’ordre de papa la rendait folle. Elle ouvrait le placard, jetait les gilets et les robes au sol en faisant cliqueter l’aluminium des cintres ; saisissait à pleine main des tas de partitions qu’elle laissait tomber en pluie et mélangeait ensuite du pied pour qu’elles soient de nouveau dans un désordre parfait.

Et ce passage me fait penser à quelqu’un

En rentrant de l’école, je déplaçais toutes nos affaires, dépliais et repliais les vêtements en commençant par ceux de maman que j étalais d’abord soigneusement sur le lit, avant de les redisposer en une pile dont l’ordre variait selon les jours , le lundi le rouge en bas, le noir en haut, le jeudi le noir en bas, le bleu en haut. …. Je découvris que le rangement n’a pas pour but d’organiser l’espace, ni de lutter contre le trop-plein d’objets, mais de mettre de l’ordre dans le vide, de tendre des filets au dessus du précipice abyssal de la vie.

Explication du titre

Comme si, dans les comptes du Tout-Puissant , dans l’arithmétique des Dieux, le nombre des morts et des vivants avait été fixé d’avance et que la sauvegarde d’un être humain y avait pour corollaire le sacrifice d’un autre.

Les souffrances des hommes face aux régimes politiques

Après la guerre, en URSS, on nous a appris que le passé n’avait pas existé, que le présent non plus n’existait pas, du moins pas comme nous le croyions, et que nous mêmes n’avions pas le droit d’exister. Certains ont bien retenu la leçon, d’autres ont fait semblant, et quelques uns s’en fichaient éperdument. Je crois qu’Ilmar a si bien retenu la leçon qu’il n’osait plus savoir ce qu’il ressentait, ce qu’il était, ni ce qu’il avait fait, il savait seulement ce qu’il devait ressentir, c’est-a-dire, la culpabilité. C’était le propre de l’époque : ceux qui avaient souffert avaient honte d’être des victimes, et ceux qui n’avaient pas souffert avaient honte , par ce fait même, d’appartenir au clan des bourreaux. Seuls ceux qui commettaient les véritables crimes n’éprouvaient pas de culpabilité car, à la place de la conscience, ils avaient le pouvoir et ils dictaient ce qu’on devait penser. Notre époque elle-même était coupable, mais c’étaient les hommes qui vivaient dedans qui portaient le poids de la culpabilité.

On en parle

Lolalit

 Traduit de l’italien par Danièle Valin

4
Est-ce-que tout a été écrit sur l’extermination des juifs par les nazis ? Non évidemment et ne le sera sans doute jamais. Je remarque qu’annoncer qu’un roman traite de ce sujet attire souvent la remarque : « encore ! ». Oui, encore et encore une fois, j’ai été émue et touchée. Pas seulement parce que l’écrivain a trouvé un angle original pour nous transmettre ces horreurs du passé, mais parce qu’il m’a bouleversée à l évocation d’Auschwitz et de la liquidation du ghetto de Varsovie. C’est important qu’un écrivain trouve, aujourd’hui encore, les mots et les phrases pour réveiller ma conscience qui préfère s’endormir. D’autres violences humaines sont venues après la Shoah, mais celle là fut si terrible qu’elle a une place à part dans ma mémoire.

L’originalité du roman ? C’est de se mettre dans la conscience d’une fille de criminel de guerre qui, tout le reste de sa vie, a fuit la justice.

Le seul tort que cet homme se reconnaisse c’est d’avoir perdu la guerre (d’où le titre du livre). Le point de vue de cette jeune femme est très intéressant et je comprends très bien ce qu’elle veut dire en parlant de trace de « rouille » dans son sang. Sa réaction a été de plus jamais transmettre la vie pour que cette lignée de criminels s’arrête avec elle : dur mais compréhensible ?

 Un récit poignant qui me trotte, depuis, dans la tête

Citation

Propos sur l’histoire

 L’histoire m’ennuie. Ce qui s’est passé avant ma naissance ne me concerne pas et ne m’intéresse nullement. L’histoire a été un casier judiciaire, une suite de crimes. Je l’ai étudiée à contre-cœur à l’école. Qu’y avait -il à apprendre de ce fatras de choses arrivées au hasard et qui, lorsqu’elles se produisaient, montraient bien qu’elles étaient stupides et violentes ? L’histoire est un cadastre d’échecs. Chacun en retire sa propre version inutilisable.

On en parle

Chez « enlivrez-vous » : Céline et Jérôme et Babelio