Édition du Rocher

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

parole d’un résident d’un Ehpad

« C’est long de mourir. »

Un bol de bonne humeur, des sourires à gogo et même un éclat de rire. Et aussi, des moments d’une grande sensibilité et d’émotion. Au milieu de livres tragiques celui-ci m’a fait un bien fou.

Peut-être avez vous entendu parler du célèbre arnaqueur Victor Lustig qui s’est vanté d’avoir vendu la Tour Eiffel à un riche ferrailleur Parisien. Il serait l’ancêtre du narrateur Thomas Poisson. La quête vers cet ancêtre peu glorieux permet à l’auteur de nous décrire des français contemporains. Ceux qui, avec un gilet jaune, ont occupé les ronds points de la France en 2018. Thomas Poisson est au chômage depuis peu et fréquente la médiathèque de sa ville. Là il rencontre Frankie qui a eu le malheur de changer une roue en pleine manifestation des gilets jaune et qui a eu du mal à expliquer à la police ce qu’il faisait un cric à la main devant les forces de l’ordre. Il y a aussi Mansour ce fils de harki . Le récit de la vie de son père est un des moments d’émotion que j’évoquais au début de mon billet. Il y a aussi Françoise qui fait les meilleures confiture que Valentin, le fils de Thomas, n’ait jamais goûtées. Elle aime bien être sur les ronds points car elle s’y sent moins seule que chez elle. Enfin, il y a le père de Thomas qui termine sa vie en Ehpad.

Et puis il y a Carine, sa femme qui supporte de plus en plus mal les maladresses de son mari. Tous ces personnages forment un groupe humain que nous rencontrons tous les jours, dont nous faisons sans doute partie, cela fait du bien de passer du temps avec eux sous la plume d’un auteur qui a tant de compassion pour ses contemporains. Ce n’est peut-être pas le roman du siècle, mais un livre qui fait tant de bien, que je lui ai finalement mis cinq coquillages pour partager avec vous ce petit moment de bonheur.

 

Citations

Le talent des bibliothécaires.

 Une scène à faire douter un malentendant du bon fonctionnement de son sonotone. Je me suis dit que la formation des bibliothécaires devait les préparer à cela. Une aptitude validée par un examen, j’imagine, ou les épreuves consistent en une mise en situation de communication silencieuse : orienter vers la section « Histoire égyptienne « sans prononcer un mot, et ramener au calme d’un simple regard un groupe d’adolescents agités, donner son avis, positif ou négatif, sur un ouvrage en clignant des yeux… Personne ne maîtrise l’expression silencieuse mieux que les bibliothécaires. Entre eux, ils échangent sur des fréquences que seuls les chiens et les chauve-souris peuvent percevoir.

Un moment d’intense émotion, à propos de son père ancien Harki.

 Un jour en rentrant de l’école – ce devait être à la fin des années soixante, mon père avait trouvé du travail chez Renault et nous avions quitté les camps -, je lui ai demandé ce que c’était qu’un collabo. Il m’avait expliqué. À l’école, il y en a qui disent que tu es un collabo. C’est vrai, Papa ? je lui avais demandé. Je me souviens de la tristesse dans son regard. Non seulement on l’avait trompé, mais comme si cela ne suffisait pas, on lui crachait dessus désormais. Mon père est mort il y a trois ans. J’avais huit ans lorsque je lui ai posé cette question. Jamais je n’oublierais le regard de mon père ce jour-là . D’abord parce que c’était par ma voix qu’il apprenait ce que les autres pensaient ou du moins colportaient sur les harkis. Ensuite parce que ce regard résume à lui seul tout ce qu’il m’a transmis, son histoire et la souffrance qui l’accompagnait. Mon père était un type bien et la vie ne l’avait pas mieux traité pour autant.

Humour qui fait du bien (aux maladroits, surtout).

 Le tapis ne craignait rien. C’est un modèle bleu foncé venu remplacer le tapis artisanale berbère, souvenir du même voyage au Maroc, en laine blanche finement décoré de motifs géométriques noirs. Lui trop clair, trop fragile, moi, trop maladroit. Nous nous n’étions pas destinés à vivre ensemble.

Éclat de rire .

 Bruno s’est bien foutu de moi ce soir. En attrapant mon porte monnaie dans mon sac, j’ai fait tomber la bombe de déodorant que tu m’as donnée pour remplacer ma bombe de défense au poivre. « Pour nous les hommes » il m’a dit. J’ai dû lui expliquer pourquoi je me promener avec une bombe de d’Axe marine. La seule chose qu’il a trouvé à dire, c’est que ça pouvait toujours servir si je tombais sur un agresseur qui sentait la transpiration ….

Je suis tellement d’accord, enfin, pour l’humanité j’ai un petit doute.

 La pizza hawaïenne est incompréhensible, un ornithorynque gastronomique, un assemblage disparate qui défie la logique élémentaire sans avoir toutefois la sympathie de l’inclassable animal. C’est un outrage à la gastronomie italienne, et même une raison suffisante de douter du bien-fondé de l’existence de l’humanité.

 


Édition Gallimard NRF . Traduit de l’anglais par Marguerite Capelle

lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

J’ai parfois eu des réserves sur cet auteur mais ce livre est un des meilleurs romans que j’ai lu depuis longtemps.( trois coquillages pour expo 58 et quatre pour la pluie avant qu’elle ne tombe) J’ai parfois une pensée pour les traducteurs, ici pour la traductrice et je me suis dit quel plaisir elle a dû avoir à traduire un livre aussi intelligent, drôle parfois et si sensible. Et bravo pour le titre ! Il représente exactement ce que veut montrer Jonathan Coe : derrière ce nom Royaume-Uni se cache une désunion qui va aboutir au schisme du Brexit et la royauté est comme un vernis qu’on agite devant les yeux des « gogos » qui pleurent à l’unisson devant la mort de Diana en oubliant leurs divergences plus fondamentales.

Sous un sentiment national anglais unanime se cache donc des fissures importantes que l’auteur va, peu à peu, nous révéler à travers une famille dont nous allons connaître la vie de 1945 à aujourd’hui. C’est peu de dire que ce livre est une vision critique de l’Angleterre c’est le plus souvent une peinture au vitriol.
Le roman commence par un prologue en mars 2020, rappelons nous, c’est le début d’une épidémie qui va mettre l’Europe dans un état qu’elle n’avait jamais connu. Le confinement va s’installer et c’est d’ailleurs par les conséquences les plus tristes de ce confinement que se terminera le récit : la mort, seule isolée des siens, de Mary un personnage central du livre, la mère de trois fils adultes, et la grand-mère de cinq petits enfants, dont Suzan la contrebassiste avec qui nous étions dans le prologue.
Nous sommes à Birmingham, la ville où John Cadbury a créé une entreprise de chocolat célèbre en Angleterre et qui sera très importante dans le roman. En 1945 on célèbre la victoire sur le nazisme et si les Anglais peuvent être fiers de leur victoire, l’auteur souligne qu’ils sont plus nationalistes qu’anti nazi. Peu à peu les traits de caractère se dessinent. Mary très dynamique va épouser Geoffrey un homme qui restera toute sa vie enfermé dans ses certitudes et qui n’exprimera qu’une seule fois sa sensibilité et ce sera lors du décès de Lady Diana.

Le mélange entre la vie des différents membres de la famille et des évènements nationaux est une grande réussite. Le livre est divisé en sept chapitres qui sont autant de rendez-vous où le royaume donne l’impression d’être « uni » :

  • le prologue mars 2020
  • le jour de la victoire 8 mai 1945
  • finale de la coupe du monde Angleterre bat l’Allemagne 30 juillet 1966
  • l’investiture du prince de Galles 1 juillet 1969
  • le mariage de Charles avec Diana 29 juillet 1981
  • funérailles de Lady Diana 6 septembre 1997
  • 75° anniversaire de la Victoire 8 mai 2020

Pour nous retrouver dans la famille Lamb et Clark , l’auteur fournit au début du livre un arbre généalogique, j’ai souvent eu besoin de m’y référer. C’est peut être le léger reproche que je ferai à ce roman. brassant autant d’années et de personnages, on a parfois du mal à bien connaître chaque membre de la famille. Ils sont à l’image du pays plus divisés qu’il n’y parait et après le « brexit » certains ne se parleront plus.

Birmingham est donc la ville du chocolat à l’anglaise et malheureusement, la France et la Belgique ne veulent pas le laisser entrer en Europe car il n’utilise pas de beurre de cacao. Jonathan Coe se fait un malin plaisir de nous raconter en détail les discussions européennes et la mauvaise foi des Anglais, le côté sans fin de ces discussions (elles ont duré sept ans !) serait drôle si finalement elles n’étaient pas à pleurer. Le portrait de Boris Johnson comme journaliste à Bruxelles est criante de vérité et avoir élu cet individu à la tête du pays fait partie des failles de ce pays.

Ce roman est rempli d’informations et j’aimerais bien toutes les retenir : un vrai grand plaisir de lecture.

 

Citations

L’engagement dans la guerre 39/45.

Pour eux, c’était une simple histoire d’auto défense : les Allemands voulaient nous envahir, nous occuper, un peu qu’on allait les arrêter, merde. (désolé pour les gros mots. Remarque, eux ils auraient dit bien pire) . Eux contre nous, point barre, tu vois. Bon y a rien de mal à ça bien sûr. Ils se sont battus comme des héros sur ce principe on ne peut pas leur enlever ça. Mais ils voyaient ça simplement comme une guerre contre les Allemands : et pour être honnête si tu les poussaient à parler politique tu t’apercevais que certains avaient des opinions pas si éloignées que ça de celles des nazis. (…)

 C’est juste que je pense qu’il y a une certaine idée de la guerre les gens aiment bien cultiver. Comme quoi c’était une affaire politique. Comme quoi tout le monde était convaincu que le véritable ennemi c’était le fascisme. C’est une sorte de mythe. Un mythe que les gens de gauche sont de plus en plus prompt à embrasser. 

Snobisme.

Tu sais quoi, je crois qu’il trouve que ça fait trop populo. Le tennis, le golf, ça c’est pour les gens comme lui, pas le foot. Et il ne veut pas aller à Villa Park parce qu’il pense que le quartier est pourri et qu’il arrivera quelque chose à sa voiture si la gare là-bas. Il est terriblement snob, je crois qu’il tient ça de ses parents. 

Le nationalisme alimentaire.

 On rapporte que l’équipe portugaise, qui séjourne à Wilmslow, a apporté six cent bouteilles de vin et plusieurs tonneaux d’huile d’olive vierge, ayant supposé (à juste titre) qu’il leur serait impossible de se procurer des substituts convenables pour ces denrées en Angleterre.
 Leur équipe médicale a interdit aux Espagnols de boire l’eau du robinet anglaise affirmant qu’ils tomberaient sûrement malade sinon. 
Entre temps on a demandé au joueur vétéran Ron Flowers de lister les avantages dont jouissent les Anglais en jouant à domicile, et il répond sans aucune hésitation que le principal c’est de « pouvoir manger correctement ».

L’expression des sentiments chez un Anglais.

 Il est assis devant sa télé portative, plié en deux, des mains sur les yeux. À l’écran s’affiche des images des funérailles de la princesse Diana. Les épaules de Geoffrey se soulèvent, et il est secoué de longs sanglots convulsifs. Quand Mary lui attrape les mains et les écarte doucement de son visage, elle voit qu’il a les yeux rouges et gonflés, les joues luisantes de pleurs, la bouche tordue en un rictus de chagrin obscène. Geoffrey pleure comme un bébé. Les larmes jaillissent de son corps : des larmes qu’il n’a jamais versées pour son père, ni pour sa mère ; des larmes que rien d’autre, rien de tout ce qui a pu leur arriver, à lui, à Mary, ou à ses enfants n’ont jamais réussi à lui tirer en soixante-dix ans.

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Édition Buchet-Castel

La liste de livres de cet auteur sur Luocine

Au rebond, G229, Juke box, Un minuscule inventaire, Rester vivant , La Grande Escapade 

Allez, un petit coup de baisse de moral, un petit roman de Jean-Philippe Blondel. C’est incroyable comme cet auteur me fait du bien, il raconte si bien la ..dépression ! Oui, vous avez bien lu, cet auteur est mon dépressif préféré, (comme Bacri était mon acteur dépressif préféré). Son roman décrit très bien les gens que je connais, il n’est jamais méchant mais est un fin observateur des comportements de ceux qui nous entourent. Corentin est donc dépressif et aussi cinéaste pour les mariages. Quoi de mieux qu’une cérémonie de mariage pour saisir l’essence même des relations intra humaines. Il a un autre projet, en dehors des mariages demander aux gens qui sont proches de lui de dire face à la caméra ce qu’ils pensent de lui. Cela nous permet de mieux cerner Corentin. Sinon pour les mariages, on a le droit à tout, la mère envahissante qui régente tout le monde et surtout son fils , mais elle tombera sur une résistance du côté d’un curé qui veut faire de la messe de mariage un moment religieux et pas un spectacle, les allusions grivoises , le mariage homosexuel qui aurait pu mal tourner sans la présence d’esprits de Corentin, l’attaque raciste contre une femme qui avait épousé en première noce un Sénégalais.

Ils sont à deux Yvan le parrain et ami des parents de Corentin . Yvan se charge des photos et son filleul des films, mais leur petite affaire ne fonctionne que » la saison des mariages » donc de mai à septembre. Il faudrait donc que Corentin arrive à trouver autre chose à faire.

Un bon moment passé au milieu de mes contemporains.

 

Citations

J’aime la façon de raconter de cet auteur .

Yvan n’a de cesse de pester contre les années 1980, les tenue bleu électrique, les poses étudiées des jeunes gens post-modernes, et cette musique mon Dieu, cette musique qui vous donne envie de vous rendre chez le premier disquaires venu avec une batte de baseball pour tout détruire. « Quand on pense, poursuit souvent Yvan, qu’ aujourd’hui ils nous ressortent toutes ces niaiseries vintage et délicieusement sucrées, qu’ils rêvent tous d’avoir eu vingt ans à cette période-là, parce que c’était l’âge d’or, je vais te les renvoyer tous illico presto au temps de Reagan et Thatcher, de l’apparition du SIDA, de Tchernobyl est des premiers traders tu verras qu’ils feront moins les fiers. Les années 1980, c’était la même merde que maintenant point à la ligne.

Portrait du maire.

 Il récitait des poèmes des  » Fleurs du mal » qui faisaient partie de sa liste imposée, elle le trouvait terriblement romantique. Beaucoup moins, quand, le lendemain des épreuves écrites elle l’a vu embrasser à pleine bouche une fille de terminale. Le maire était séduisant et beau parleur. Il n’est plus que parleur. Et encore, avec difficulté. Il bafouille -le mariage n’est pas sa spécialité. Il y en a de moins en moins dans cette commune rurale. Quant à lui il a divorcé trois fois.

Paris.

 Paris a absorbé Corentin. Il ne s’y sent jamais seul -même s’il est conscient que l’agitation de la capitale est un alcool lourd qui se digère mal

 

Édition Hauteville. Traduit de l’anglais États-Unis) par Florence Moreau

Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard

 

Je ne veux pas être trop sévère avec ce roman, car ce n’est pas si souvent qu’un pur roman d’amour, nous est proposé au club de lecture. Mais voilà je n’ai pas réussi à m’intéresser à la passion de Roya qui tombe éperdument amoureuse de Bahman, en entendant celui-ci prononcer son prénom.

Une passion sous fond des évènements de 1953 en Iran qui voient la mise à l’écart de Mohammad Mossadegh, premier ministre démocrate au profit du Shah soutenu par les Anglais et les Américains.

Les deux amoureux s’étaient donné rendez-vous dans un parc mais Bahman ne viendra pas. Il faut attendre la fin de vie de Bahman pour comprendre l’incroyable complot ourdi par sa mère avec la complicité du libraire de Téhéran.
J’espère ne pas trop vous en dire. Si vous aimez la romance tragique plongez vous dans cette histoire qui a deux temporalités : 2013 avec Roya qui a refait sa vie avec un américain Walter, ils sont tous les deux médecins. Elle retrouve par un hasard romanesque son premier amour dans une maison de retraite assez proche de chez elle. En 1953 , en Iran son grand amour pour Bahman se heurte à l’hostilité de la mère de celui-ci qui trouve Roya trop ordinaire pour son fils. C’est intéressant de voir le poids des femmes dans ce pays qui semblent si misogyne. Ce roman permet de revivre cette période très compliquée que beaucoup d’Iraniens considèrent comme la seule parenthèse démocratique dans leur pays , Mohammad Mossadegh, qui sera chassé par un coup d’état orchestré par l’Angleterre et les Etats-Unis qui voulaient mettre la main sur le pétrole iranien.

Un roman à l’image des poèmes persans qui sont parait-il de sublimes poèmes d’amour qui n’a pas su me séduire. Il faut dire qu’une grande partie de l’intérêt du livre est dévoilé dans une lettre posthume à la fin du récit : une incroyable manigance pleine de perfides, pour pouvoir accepter ce genre de récit il aurait fallu que le reste du récit soit à la hauteur de ce suspens, ce qui n’est vraiment pas le cas.

Je vous laisse avec Rumi le poète que lisent tous les jeunes Iraniens en mal d’amour :

Écoute du jasmin l’austère et dolent thrène*,
De la séparation il relate les peines :
Depuis que de mon plant on déroba ma veine,
Je tire les sanglots et des rois et des reines !

(Thrène : mélopée, est une lamentation funèbre chantée lors de funérailles)

Citation

Dialogue qui m’a fait sourire.

 – J’adorerais que mes filles deviennent les prochaines Marie Curie de ce monde, déclara Baba au petit déjeuner, alors que la famille savourait des « naans » fraîchement préparés, accompagnés de fromage frais et de confiture aux griottes. Ah oui, j’adorerais ! Ou même de célèbres auteurs. ( Il adressa un sourire à Roya) Comme cette Américaine – Helen comment, déjà ? Keller ?
– Sauf que je ne suis pas sourde, Baba, fit observer Roya.
– Ni aveugle, renchérit Zari.
– Je ne vois pas le rapport, intervint Maman, avant de demander à ses filles de manger plus vite.
– Il faut être sourde et aveugle pour avoir une chance de devenir Helen Keller, déclara Zary fière de sa connaissance des grandes figures américaines. 
– Muette. N’oublie pas muette, marmonna Roya.


Édition Seuil

 

Merci aux éditions Seuil et à Babelio d’avoir sollicité mon avis sur ce roman. Il m’a permis de passer un bon moment de lecture.
Nous sommes dans un commissariat de police et trois femmes vont devoir répondre à des questions de policiers que nous n’entendrons jamais. Elles sont toutes les trois interrogées car depuis deux ans, Thomas, le mari de Claire a disparu. Hélène et Joan sont ses amies. Nous devons d’abord comprendre pourquoi Claire n’a pas prévenu avant de la disparition de son mari. Elle, son mari et ses deux amies se sont connues à l’université, seule Claire s’est mariée, et après avoir été professeure, elle a repris les vignes de ses parents. Hélène a été aussi professeure, mais elle a voulu vivre du théâtre et disons pour faire simple qu’elle vit surtout des charmes de son corps. Joan est d’origine américaine et veut vivre en France sans avoir les bons papiers. Au fil des interrogatoires le destin de ces trois femmes se construit dans la France contemporaine, et dévoile peu à peu la personnalité de Thomas. Ensemble, elles décident de se retrouver dans un ailleurs genre ZAD qu’elles appellent « la commune ». Elles ont besoin d’argent et il devient donc urgent que Claire divorce de ce fantôme encombrant pour récupérer l’argent de sa ferme et l’investir dans la « commune ». Voilà pourquoi elle vient aujourd’hui parler de la disparition de son mari. Deux ans après.

On découvre peu à peu une autre Thomas sur lequel, visiblement, la police en sait beaucoup plus que Claire, sa femme. Hélène détient une part de la vérité mais si peu finalement.

L’intérêt du roman ne tient pas qu’à cette seule enquête mais aux trois destins de ces femmes. Tout n’est pas complètement expliqué en ce qui concerne Thomas et sa disparition, il y a aussi un côté science fiction dans ce qui est raconté comme une catastrophe écologique « le jour de l’Oural », cela ne m’a pas empêchée d’adhérer au récit . Mais ce qui m’a gênée c’est le côté solution dans le retour à la nature dans une communauté genre années 60, pour moi, c’est la preuve d’un militantisme dépassé, et qui hélas n’a jamais fait ses preuves, même si parfois il y a des exemples de réussite. Et, au cours du récit, il y a un petit côté générosité de gauche que je trouve facile. Le propriétaire de Joan un gros bourgeois qui loue la chambre de bonne au noir et qui la mettra à la porte sans aucun remords, la famille bourgeoise qui a adopté un petit enfant asiatique qui sert de jouet et de souffre-douleur à leur fils odieux. Cela me semble des passages obligés pour faire accepter la solution du retour aux vraies valeurs de partage dans la nature.

Citations

Premier interrogatoire de Claire.

 Le détail qui me rassurait dans les heures qui ont suivi le départ de mon mari, c’est qu’il n’avait pas pris ses affaires. Je veux dire tout était resté dans le dressing. Ses vêtements, ses valises. Il n’avait pas préparé un déménagement. Il était parti avec son portefeuille et son téléphone. Avec toutes ses absences depuis des mois, j’avais commencé à imaginer des histoires. J’ai pensé à toutes les hypothèses, comme vous le faites, là. Sauf que, et là je vais peut-être vous surprendre, c’est que ça ne me gênait pas outre mesure. C’est agréable aussi d’être seule. Non, là j’enjolive les choses. Ça fait longtemps qu’il est parti, c’est pour ça. il ne reviendra pas, on est d’accord. Vous le pensez aussi ? C’est quoi la statistique ? Il n’y a pas de statistique ?

Est-ce le COVID qui a fait penser à l’auteure au « Jour de l’Oural » ?

C’est comme avec le Jour de l’Oural. Quand les pluies ont commencé, le chiffre des morts nous tétanisaient. Mais on s’habitue à tout. Vous vous rappelez, toutes les conneries qu’on se disait pour se rassurer ? Que les masses d’air chaud étaient repoussées par le Gulf Stream ? On s’habitue à la menace permanente, on s’habitue à l’idée de la mort, c’est un long apprentissage mais ça vient. Pendant longtemps, ça nous a semblé lointain abstrait. Ces pluies touchaient des territoires qui nous apparaissaient éloignés comme si on ne vivait pas sur la même planète, comme si nous n’étions pas reliés par le même univers. Le drame était obscure. Quand les contaminations reprenaient ici et là dans les cours d’eau et sans raison apparente, je sentais que, Léo et Hortense se crispations. Ils avaient été particulièrement impressionnés par les Italiens train de pomper les dernières réserves d’eau douce. Vous vous rappelez ces images ? Après quelques semaines la pluie la brume la neige redescendaient sous des seuils supportable. Alors les activités reprenaient, jusqu’à la pénurie complète à laquelle on est arrivés. 

Les couples.

 Les gens sont rarement seuls. Il y a toujours quelqu’un qui vous suit où vous précède, dans le secret des souvenirs. J’ai toujours cru que les couples, tous les couples fonctionnaient ainsi. Ceux qui se tiennent par la main sont épaulés par d’autres, à leur gauche, à leur droite ; ils avancent parmi une foule de fantômes qui se frôlent.


Édition Buchet Chastel
Lu dans le cadre du club de lecture de la médiathèque de Dinard 

Un roman très léger et hélas trop convenu en tout cas pour moi.Un artiste peintre se retrouve à Rome, il est lassé par la vie parisienne et même s’il connaît un succès certain, il aspire à autre chose. Il s’installe à la terrasse d’un petit restaurant, sur la place du Campo De ‘Fiori sous le regard de la statue de Bruno Giordano. Il s’installe avec un jeu d’échec et plusieurs joueurs viennent jouer avec lui. Un soir une jolie femme Marya lui propose de jouer et il perd. Une histoire d’amour va se tisser entre eux où les échecs joueront un grand rôle .

Tout l’intérêt du roman vient de l’entrelacs des histoires, celle de Bruno Giordano qui fut brûlé sur cette même place pour avoir voulu imposer ses idées et avoir pensé que le soleil n’était sans doute pas unique dans l’univers, celle de Gaspard qui fait tout pour séduire Marya parfois maladroitement, avec en toile de fond la réalité du monde de l’art parisien, l’histoire de Marya petite fille d’un grand champion d’échec mort à Auschwitz, la puissance des jeux d’échec, la mémoire de la shoa , et puis l’histoire d’un coup de foudre que Gaspard voudrait pouvoir prolonger plus longtemps que ces trois jours merveilleux à Rome.

Une histoire d’amour qui m’a semblé très conventionnelle avec son passage obligé : la scène de sexe torride, dans une ville bien décrite. Rome se prête bien aux histoires d’amour. J’ai un peu de mal avec certains dialogues du style « il fait » « comme ça, je dis » j’ai du mal à comprendre pourquoi l’auteur utilise cette façon de s’exprimer . Voilà pourquoi, je trouve ce roman trop léger je dirai même un peu superflu, je suis loin de ce que j’avais tant aimé dans « L’incendie »

Citations

le style qui m’étonne

Je lui propose une revanche. Oui, avec plaisir fait l’homme. Même si j’ai l’impression que j’aurai du mal à vous donner du fil à retordre.

On cause un peu en réinstallant les pièces. Il me demande d’où je viens. De France, je dis. Paris. Ah, il fait en tout cas vous parlez un bon italien.

Statue de Bruno Giordano, moi aussi « ce genre de gars me fascine ».

 Moi, j’y peux rien, ce genre de gars, ça me fascine, continue le cuistot. Des gars qui pensent comme ça leur chantent et qui défendent leurs idées jusqu’au bout. Quitte à y laisser leur peau. Putain, c’est quelque chose quand même. Vous trouvez pas ? 
Sur que c’est quelque chose. 
Et c’était pas un illuminé, faut pas s’y tromper. Le gars, il savait tout sur tout. Les maths, la physique, la philo, ça le connaissait. Et j’en passe. C’était une pointure. En plus, il paraît qu’il avait une mémoire incroyable.
 La date un 1889, c’est celle de l’installation de la statue ? 
Ouais c’est bien ça des intellos de l’époque qu’ont décidé ça. Des libres penseurs. Des francs-maçons aussi. Ç’a pas été une mince affaire, je crois bien. Le Vatican a fait la gueule.

 

 

 

 

 

 


Édition Le livre de Poche Traduit de l’anglais (Irlande) par Sophie Aslanides

Bien conseillée par Keisha et Katell , j’ai lu avec grand plaisir ce gros roman : comme quoi, de gros pavés peuvent me plaire ! Cet auteur m’avait, pourtant, rendue si triste avec « L’audacieux Monsieur Swift » : John Boyne a vraiment une plume particulière et beaucoup de comptes à régler avec son pays natal.

Ce roman s’étend de 1945 à 2015 et nous décrit une Irlande bien différente de la vision folklorique que l’on pouvait avoir (musique, bière danse …et paysages !). Cette vision avait déjà été bien abimée par les révélations sur la puissance malfaisante de l’église catholique en particulier sur les jeunes femmes qui avaient le malheur d’avoir des enfants sans être mariées. C’est encore cette puissance perverse qui a fait le malheur des homosexuels. L’hypocrisie de ceux qui se réjouissent que l’homosexualité soit un crime, que les filles mères soient bannies et qui satisfont leurs désirs de façon variées est répugnante. Comme dans tous les pays où l’homosexualité est pénalisée cela laisse la place à une prostitution qui doit se cacher donc terriblement dangereuse.

La première scène est inoubliable : la jeune Catherine Goggin, âgée de seize ans est traitée de putain par un prêtre d’une violence inouïe, car elle attend un bébé et est bannie de l’église et de son village. Arrivée à Dublin, elle connaitra au terme de sa grossesse une deuxième scène violente. Elle avait, en effet, trouvé deux hommes qui avait accepté de la loger, c’est très intéressant de voir combien cette jeune femme est totalement incapable d’imaginer l’homosexualité, hélas ce n’est pas le cas du père d’un des deux jeunes hommes. Dans une scène à peine soutenable celui-ci tuera son fils et ratera de peu son amant et Catherine qui accouchera ce jour là d’un bébé qu’elle fera adopter. Elle ne reverra ce fils qu’en 2008 . Cet enfant, Cyril qui va être le fil conducteur de tout le roman, sera élevé par une famille pour le moins originale qui ne saura pas l’aimer mais qui ne le rendra pas malheureux. Son père adoptif est accusé de fraude fiscale et fera de la prison et précise à chaque fois qu’il présente son fils qu’il est adopté et qu’il n’est pas un vrai « Avery » . Sa mère vit enfermée dans son bureau et écrit des romans et fuit toute célébrité. Après sa mort, elle deviendra une des plus grande écrivaine irlandaise. Cyril, vivra une passion amoureuse avec Julian, cette passion n’est pas partagée mais Julian reste son ami. Il finira par épouser sa soeur mais prendra la fuite le soir de ses noces. Sa jeunesse irlandaise sera d’une tristesse sordide car il ne pense qu’à assouvir ses pulsions sexuelles sans connaître l’amour, adulte en Hollande il connaitra une période de bonheur en vivant un amour partagé avec un médecin qui consacrera sa vie à soigner des malades du SIDA.

J’arrête de vous raconter tout ce roman qui saute d’époque en époque et de pays en pays ce qui permet – mieux qu’un essai sur le sujet- de comprendre combien les homosexuels ont souffert de ne pas pouvoir vivre leur sexualité normalement. Quand on sait que certains pays vivent encore sous cette condamnation morale cela fait peur, comme les homosexuels sont considérés comme des malades ou des êtres anormaux on peut tout leur faire subir, si la condamnation est religieuse ce qui est souvent le cas, alors tout devient très dangereux pour le jeune qui perd tous ses repères.

L’aspect romanesque est bien construit, même si les hasards romanesques font se rencontrer des personnages qui avaient vraiment peu de chance de se retrouver, on accepte cette fiction littéraire car le second plan sociétal est riche et très bien argumenté. Je ne peux que vous conseiller de vous plonger dans ce roman et tant pis s’il dégrade encore un peu plus l’image de l’Irlande Catholique. La religion y a joué un bien vilain rôle dans ce domaine là, l’église fera certainement un jour des excuses, il faut espérer que cela permettra aux mentalité de vraiment changer. Ce roman en tout cas peut y contribuer mais sera-t-il lu par des gens qui ont des idées bien arrêtées sur le sujet, à plusieurs reprises l’auteur se plaît à rapporter des propos « ordinaires » sur « ces gens là » de personnes qui imaginent qu’ils sont eux « normaux » et cela est criant de vérité et permet de nous rendre compte qu’il faut être attentifs sur ce genre de sujets.

 

 

Citations

Discours du prêtre pour condamner la jeune fille enceinte.

« Quitte ces lieux, espèce de gourmandise, quitte Goleen, emporte ton infamie ailleurs. Il y a des maisons à Londres qui sont faites pour les filles comme toi, avec des lits où tu pourras te coucher et écarter les jambes pour que tout le monde puisse satisfaire tes besoins licencieux. »

 

Enfant adopté.

« Vois ça plutôt comme un bail, Cyril, me dit-il – ils m’avaient appelé Cyril en souvenir d’un épagneul qu’il avaient eu autrefois et qu’ils avaient beaucoup aimé- , un bail de dix huit ans. Mais pendant tout ce temps, il n’y a aucune raison qu’on ne s’entende pas tous bien, n’est ce pas ? Même si je me plais à penser que si j’avais eu un fils, il aurait été plus grand que toi. Et il aurait montré un peu plus d’aptitudes sur le terrain de rugby. Mais tu n’es pas ce qu’il y a de pire. Dieu seul sait sur qui nous aurions pu tomber. À un moment, on nous a même suggéré de prendre un bébé africain. »

Un homme « galant », qui trompe sa femme.

«  Chérie, prends un amant si tu veux, cela ne fait aucune différence pour moi. Si tu as besoin d’un coup de queue. Il y en a plein, là, dehors. Des grosses, des petites, des jolies, des biscornues. Des tordues, des courbées, des droites. Les jeunes hommes sont essentiellement des queues en érection sur pattes, et n’importe lequel d’entre eux serait ravi de fourrer la sienne dans une femme aussi belle que toi. »

L’homosexualité .

 Nous étions en 1959, après tout. Je ne savais presque rien de l’homosexualité, en dehors du fait que succomber à ce genre de désir était un acte criminel en Irlande qui donnait lieu à une peine de prison. À moins que j’entre dans les ordres, dans ce cas, il s’agissait d’un avantages en nature de la profession.

L’homosexualité 1966.

 C’était une période difficile, pour un Irlandais âgé de vingt-et-un ans attiré par les hommes. Quand on possédait ces trois caractéristiques simultanément, on devait se situer à un niveau d’hypocrisie et de duplicité contraire à ma nature.

Visite chez le psychiatre en 1966.

 Il faut que vous reteniez ceci : il n’y a pas de homosexuels en Irlande. Vous vous êtes peut-être fourré dans la tête que vous en étiez un, mais vous avez tort. C’est aussi simple que ça. Vous avez tort. 
– Je n’ai pas l’impression que ce soit aussi simple, docteur, avançai-je prudemment. Je pense vraiment qu’il est très possible que j’en sois un.
 – Vous ne m’avez donc pas écouté ? fit-il, avec un sourire, comme si j’étais un crétin fini. Est-ce que je ne vous ai pas dit qu’il n’y avait pas d’homosexuels en Irlande ? Et s’il n’y a pas d’homosexuels en Irlande, comment diable pourriez-vous en être un ? »


Édition « La belle étoile. Traduit de l’anglais (États-Unis) par Aline Pavcoñ)

 

Quand j’ai compris que ce roman se situait au Liban , j’ai immédiatement répondu à Babelio que j’avais très envie de le lire. Il a bien pour toile de fond ce pays qui m’est cher, avant la terrible crise économique qui a réduit à la misère tous mes amis universitaires. On sent dans ce roman à quel point ce pays est incapable de renaître de ses cendres, les feux dont il s’agit dans le titre sont ceux qui sont provoqués par la population qui n’en peut plus de vivre dans les ordures jamais ramassées .
Les trois coquillages montrent ma déception, je pensais connaître un peu mieux ce pays, en réalité je connais tout sur l’histoire d’amour contrariée de Mazna une jeune fille syrienne qui a un talent certain pour le théâtre mais qui n’arrivera pas à devenir actrice aux États-Unis car elle a suivi un homme dont elle n’était pas amoureuse, Idris un jeune libanais qui vient d’une famille plus riche que la sienne. Mazna était follement éprise de Zakaria un réfugié palestinien et ami presque frère d’Idriss. Zakaria est tué car il a lui-même tué des chrétiens et Idriss et Mazna s’enfuient. Ensemble ils auront trois enfants dont nous allons suivre le parcours.
l’aînée, Ava chercheuse en biologie et mère de deux enfants, est mariée à un américain, son couple subit quelques turbulences. Marwan le fils préféré de sa mère, doit choisir entre une carrière de chanteur ou la cuisine et sa vie avec sa fiancée Harper, et enfin Najla homosexuelle et chanteuse à succès qui est revenu vivre et faire carrière au Liban.

Ils se retrouvent tous à Beyrouth car Idriss a décidé de vendre la maison de sa famille. Ce sera l’occasion de raviver les souvenirs que les parents préfèrent oublier. Il faut 420 pages à cette auteure pour faire émerger tous les secrets autour de Zakaria. Ma déception vient de ce que histoire si classique ne fait pas revivre le Liban, à cette nuance près que certaines décisions pouvaient entraîner la mort plus facilement qu’ailleurs. On sent aussi le poids des traditions dans l’éducation des filles et aussi la façon dont la proximité de la mort et de la guerre fait que la jeunesse fonce dans tout ce qui peut lui faire oublier les duretés de la vie et à quel point elle peut être brève : on boit beaucoup, on fume sans cesse et toutes les drogues sont possibles et la musique est toujours à fond.

Donc, une déception pour moi. Je lis sur la présentation de cette écrivaine qu’ « Hala Alyan américo-palestinienne est clinicienne spécialisée dans les traumatismes, les addictions et l’interculturalité ». Je crois que j’aurais préféré que son roman se passe aux USA et qu’elle me fasse découvrir les difficultés pour une jeune américano-palestinienne d’assumer deux cultures. Car, pour ce qui est du Liban, je n’ai vraiment rien appris et je ne l’ai pas senti vivre contrairement par exemple aux roman de Charif Majdalani que j’aime tant.

 

Citations

C’est tellement vrai.

Ava se résigne à endurer le tourbillon de circonvolutions maternelles. « Zwarib » est le mot qu’on emploie en arabe pour décrire ces tours et détours qui ne servent qu’à éviter d’aborder le cœur du sujet. Sa sœur Naj appelle ça du terrorisme linguistique.

J’aime bien ce genre de voix.

Najla adorait la musique. Elle avait une voix hors du commun, rugueuse et gutturale légèrement fausse, mais suffisamment hardi pour que personne ne sente soucie.

Explications des guerres libanaises par un metteur en scène de théâtre en 1972.

Les colonisateurs ont pesé, bien qu’indirectement, dans toutes les décisions politiques qui ont été prises depuis l’époque ottomane. Chaque pays a son oppresseur : les Britanniques pour la Palestine, les Français pour le Liban. Les Occidentaux ont redessiné les frontières. C’est la raison pour laquelle les rues de Beyrouth portent des noms français. Ce sont eux qui ont mis sur pied la structure parlementaire qui distribue le pouvoir de manière injuste. C’est leur faute si les Palestinien sont arrivés ici par milliers en 1948, puis en 1977. Je veux que vous gardiez à l’esprit durant les répétitions, les plus grands criminels de guerre sont toujours en coulisse, même s’ils sont à des continents d’ici. 

Un autre point de vue .

 Les gens n’ont pas besoin de prétexte pour se détester. Nous sommes programmés pour blâmer les autres de notre malheur. et quand ton prêtre, ton imam ou Big Brother te fait croire que tout un tas de gens te détestent, tu prends rarement le temps de vérifier s’il dit la vérité. 

Très possible.

Le feu passe au vert. Ava range son téléphone, bien qu’elle doute de risquer une amende ici. Un jour, elle avait vu un homme conduire avec son fils sur les genoux. L’enfant tenait un cendrier.

 


Édition livre de poche

Traduit du suédois par Laurence Mennerich

 

Merci la Souris Jaune , sans toi je n’aurais pas lu ce roman qui m’a fait passer un bon moment et qui, tout en décrivant une réalité sociale assez dure n’est pas triste parce que nous voyons la vie d’une petite ville dans laquelle il n’y a plus de travail à travers les yeux de Britt-Marie une femme qui passe son temps à faire des listes et le ménage. Pourquoi ne lui ai-je pas mis cinq coquillages à ce livre que j’ai lu avec plaisir ? Il m’arrive de faire ma difficile ! oui ce roman se lit bien , oui les personnages sont attachants mais cette Britt-Marie est une caricature de personnage : est-ce qu’il existe encore des femmes qui se dévouent corps et âmes à leur mari sans rien exiger d’eux ? Est-ce qu’ils existent des femmes dont le seul horizon se limite au ménage bien fait ? Complètement effacée, Britt-Marie va « fuguer » du domicile conjugal car elle découvre que, malgré tout son dévouement, Kent son abruti de mari la trompe. Elle se met à la recherche d’un travail, mais elle a 63 ans et ce n’est pas une mince affaire. Ses rapports avec la femme de pôle emploi sont compliqués et très drôles, celle-ci lui trouvera finalement un poste de directrice d’une MJC qui doit fermer dans trois mois, elle peut donc occuper cet emploi dans un petit village dont toutes les activités « normales » ont disparu à cause de la crise économique.

Notre super Madame-Propre dont les deux produits fétiches : le bicarbonate et le Faxin (produit pour les vitres) va donc entreprendre de nettoyer tout ce qui est à sa portée. Mais sa vie et ses valeurs vont être bousculées par le football. Car les rares enfants du village adorent ce sport et bien malgré elle Britt-Marie va devoir s’y intéresser. Peu à peu nous découvrirons les différents drames qui ont jalonné sa vie et nous la comprendrons un peu mieux ; je me suis attachée à Britt-Marie qui a été si mal aimée dans sa vie. Les habitants du village qui semblent aussi des caricatures vont prendre de la consistance. Pour devenir plus humains, il semblerait qu’en Suède il faut connaître le déclassement social, à l’image de Kent qui, de gros « macho » stupide devient un mari plus attentif et plus aimant parce qu’il a perdu son travail.

Certes, c’est une vision sociale un peu trop simpliste mais, comme je le dis au début, c’est aussi un roman qui fait du bien car on le lit en souriant. Alors, lisez-le si vous voulez vous dépaysez avec une femme d’un autre temps dans un pays plus connu pour ses auteurs de romans policiers que pour le genre « conte social humaniste ».

 

Citations

Le début .

Fourchettes. couteau. cuillère.
 Dans cet ordre.
 Britt-Marie n’est certainement pas femme à juger autrui, mais quelle personne civilisée aurait l’idée d’organiser un tiroir à couverts autrement ? Britt-Marie ne juge personne mais tout de même, nous ne sommes pas des animaux.

L’amour .

 Difficile à dire quand l’amour s’épanouit. Un jour, on se réveille et il a éclos d’un coup. C’est pareil dans l’autre sens : on s’aperçoit trop tard qu’il a déjà fané. L’amour ressemble beaucoup aux fleurs de balcons, en cela. Parfois, même le bicarbonate de marche pas.

Le couple.

C’est comme ça, quand on a vécu assez longtemps auprès d’un homme qui essaie constamment de faire de l’humour. Il n’y avait plus de place pour d’autres plaisanteries que les siennes dans leur relation. Kent faisait le bout en train et Britt-Marie faisait la vaisselle. Voilà comment les tâches étaient réparties.

Humour suédois.

 Elle place également des verres devant les enfants. L’un d’eux, celui que Britt-Marie ne décrirait jamais comme « obèse », mais qui donne l’impression d’avoir souvent chipé la limonade de ses camarades, lui dit avec entrain qu’il « préfère boire dans la canette ».
– Certainement pas, ici on boit dans un verre, articule impitoyablement Britt-Marie. 
-Pourquoi ? 
– Parce que nous ne sommes pas des animaux.
Le garçon observe sa canette de limonade dans un silence songeur, puis demande  :
– Il y a des animaux qui arrivent à boire à la canette, en dehors de l’homme ?

Philosophie de la vie.

 Parce que la vie est plus que les chaussures dans lesquelles on marche, plus que la personne qu’on est. Ce sont les liens. Les fragments de soi dans le cœur d’une autre personne. Les souvenirs, les murs, les placards et les tiroir à couverts dans lesquels on sait où sont rangés les affaires. Toute une vie d’ajustements visant à l’organisation parfaite, à l’aérodynamique unique de deux personnalités. Une vie commune, faite de tout ce qui est commun. Pierre et mortier, télécommandes et mots croisés, chemise et bicarbonate, placard de salle de bains et rasoir électrique dans le troisième tiroir. Il a besoin d’elle pour tout cela. Si elle n’est pas la, rien ne va. Elle est essentielle, inestimable, irremplaçable.

Joli dialogue.

 -J’avais cru comprendre qu’on devient policier parce qu’on croit aux lois et aux règles souffle-t-elle
-Je crois que Sven est devenu policier parce qu’il croit à la justice répond Samy.